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Full text of "Autour des origines du suaire de Lirey; avec documents inédits"

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BIBLIOTHÈQUE     LITURGIQUE 

TOME    CINQUIÈME    /f    LIVRAISON 


AUTOUR   DES   ORIGINES 


DU 


SUAIRE  DE  LIREY 


AVEC  DOCUMENTS  INÉDITS 


PAR 


Le    Chanoine    Ulysse    CHEVALIER 

Correspondant  de  l'Institut. 


5T0RAGE-ITEW 
MAIN     LIBRARÏ 

LPA-B56E 

U.B.C.  LIBRARY 


PARIS 

lONSE   PICARD    ET    FILS,    LIBRAIRES 

8a,    RUE    IIONAPAnTB,    8a 

1903 


THE  LIBRARY 


THE  UNIVERSITY  OF 
BRITISH  COLUMBIA 


BIBLIOTHÈQUE     LITUBGIQUE 

TOME    CINQUIÈME    /[^    LIVRAISON 


AUTOUR  DES  ORIGINES 


DU 


SUAIRE  DE  LIREY 

AYËG  DOCUMENTS  INÉDITS 


PAR 


Le    Chanoine    Ulysse    CHEVALIER 

Correspondant  de  l'Institut. 


PARIS 

ALPHONSE   PICARD    et    FILS,    LIBRAIRES 

82,    RUE    BONAPARTE,    82 
.        1903 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  British  Columbia  Library 


http://www.archive.org/details/autourdesorigineOOchev 


AUTOUR  DES  ORIGINES 

DU 

SUAIRE  DE  LIREY 

AVEC  DOCUMENTS  INÉDITS 


IMPRIMATUR. 


Lugduni,  die  i5ajanuarii  igoS. 

P.  Dadolle,  vie.  gen. 


BIBLIOTHÈQUE     LITUBGIQUE 

TOME    CINQUIÈME    4"    LIVRAISON 


AUTOUR   DES   ORIGINES 


DU 


SUAIRE  DE  LIREY 


AVEC  DOCUMENTS  INEDITS 


PAR 


Le    Chanoine    Ulysse    CHEVALIER 

Correspondant  de  VInslitul. 


PARIS 

ALPHONSE   PICARD    et    FILS.    LIBRAIRES 

82,    RUE    FONAP.NKTE,    8.2 
1903 


AUTOUR 


DES 


ORIGINES  DU  SUAIRE  DE  TURIN 

A  VEC  DOCUMENTS  INÉDITS 


L'Académie  des  Sciences  de  Lyon  me  permettra,  à  raison 
du  bruit  qui  s'est  prolongé  au  sujet  du  Suaire  de  Turin, 
de  l'entretenir  un  instant  de  l'histoire  des  origines  de  cette 
relique. 

Elle  n'a  point  oublié  l'assurance  que  donna  au  monde 
savant  M.  Léop.  Delisle,  à  la  séance  de  l'Académie  des  Ins- 
criptions et  Belles-Lettres  du  25  avril  dernier  :  les  argu- 
ments de  mon  Etude  critique  sur  Vorigine  du  5'  Suaire 
de  Lirey-Chamhéry-Turin  lui  paraissaient  «  avoir  jusqu'ici 
conservé  leur  valeur'  ».  Cette  déclaration  visait  la  séance 
précédente  de  l'Académie  des  Sciences  (du  21),  où  M.  Yves 
Delage  avait  présenté  en  grand  appareil  le  mémoire  contra- 
dictoire de  M.  Vignon  ^.  La  littérature  de  ce  sujet  passionnant 
doit  compter  présentement  3ooo  numéros  environ.  Dans 
ce  nombre,  combien  d'opuscules  ou  d'articles  ont  une  valeur 

'  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres  (1902),  p.  343. 

-  Comptes  rendus  des  séances  de  C Académie  des  Sciences  (1902),  l.  CXXXIV, 
[).  ;)02-4;  il  n'y  a  pas  un  mot  qui  s'applique  au  Suaire  de  Turin. 

V.   c.  l 


6  AUTOUR    DES    ORIGINES 

réelle?  Fort  peu,  pour  deux  causes  :  les  maîtrises  el  juran- 
des n'existant  plus,  quiconque  sait  tenir  une  plume  se  croit 
autorisé  à  dire  son  mot  sur  une  question  quelconque  ;  de 
plus,  certains  catholiques  ne  savent  pas  assez  se  défendre  de 
toute  passion  pour  glorifier  leurs  pieuses  croyances. 

Je  crois  superflu  de  rappeler  les  hypothèses  à  l'aide  des- 
quelles on  a  voulu  authentiquer  un  linceul  qui  aurait  servi  à 
l'ensevelissement  du  Christ  :  elles  appartiennent  à  un  ordre 
d'idées  auquel  la  science  historique  est  étrangère.  Il  n'en 
reste  plus  rien  aujourd'hui  :  il  a  suffi  d'établir,  à  l'aide  des 
Evangiles,  confirmés  par  la  tradition  judaïque,  dans  quelles 
conditions  Jésus  a  été  déposé  dans  le  sépulcre*,  la  nature 
des  aromates  dont  il  fut  enduit^,  l'état  lui-même  du  linceul 
photographié  en  1898^,  pour  leur  enlever  toute  valeur 
démonstrative. 

Si  j'ai  poursuivi  la  lutte  dans  une  série  de  brochures^, 
c'est  par  un  sentiment  qui   avoisine  le  patriotisme  :  sans 

*  Bouvier  (P.),  Le  Suaire  de  Turin  et  l'Evangile{exlraits  de  La  Quinzaine) ; 
La  Chapelle-Montligeon,  1902,  2  p.  gr.  in-8°  de  i6  et  16  p.  —  Chevalier 
(Ulysse),  Le  Saint-Suaire  de  Turin  et  le  Nouveau  Testament  (extrait  de  la 
Revue  Biblique):  Paris,  1902,  gr.  in-S"  de  10  p.  traduit  en  anglais  par  le 
Rév.  Jos.  M.  Flynn,  dans  le  Pilot  de  Boston,  n°  du  3o  cet.  1902.  — 
Bellet  (MB'  Ch.-F.),  Le  Saint  Suaire  de  Turin  et  les  textes  évangéliques 
(extrait  de  l'Art  et  l'Autel);  Paris,  igoS,  gr.  in-8"  de  22  p. 

-Chevalier  (U.),  ouvr,  cité.  —  Mely  (F.  de),  Le  Saint  Suaire  de  Turin 
et  V Aloétine  ;  Paris,  1902,  in-8"  de  7  p.  —  Saint-Lager  (D''),  La  perfidie 
des  homonymes  :  aloès  purgatif  et  bois  d'aloès  aromatique  ;  Lyon,  [igoS], 
gr.  in-8°  de  13  p. 

2  Chopin  (Hippol.),  Le  Saint-Suaire  de  Turin  photographié  à  l'envers; 
Paris,  1902,  gr.  in-80  de  i5  p.  —  Le  même,  Le  Saint-Suaire  de  Turin  avant 
et  après  1334;  Paris,  1902,  gr.  in-8»  de  i5  p.  —  Bellet  (M^'  Charl.-Fél.), 
Le  Saint-Suaire  de  Turin,  son  image  positive  (extrait  de  L'Université 
cathol.);  Paris,  1902,  gr.  in-S»  de  16  p. 

*  Le  Saint  Suaire  de  Turin  (extrait  de  l'Art  et  l'Autel);  Paris,  [1902], 
in-8°  de  1  f.-i5  p.  —  Le  Saint  Suaire  de  Turin,  histoire  d'une  relique 
{exir»Lil  des  Etudes  histor.  et  relig.  du  dioc.  de  Bayonne);  Paris,  1902, 
gr.  in-S"  de  19  p.  —  Le  Linceul  du  Christ  (extrait  des  Pet.  Annales  de 
St-Vincent-de-Paul);  Paris,  1902,  gr.  in-8°  de  8  p. 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  7 

chauvinisme  outré,  il  m'a  semblé  que  dans  cette  question, 
à  laquelle  la  presse  a  procuré  une  importance  exagérée,  il 
convenait  que  la  France  exerçât  elle-même  la  critique  et 
ne  la  laissât  pas  porter,  comme  on  l'a  vu  à  l'occasion  de 
divers  faux,  devant  des  Académies  étrangères,  Berlin  ou 
Munich. 

Une  nouvelle  édition  de  mon  Etude  critique^  qui  com- 
prendra en  même  temps  l'histoire  de  la  controverse,  sera 
augmentée  de  plusieurs  documents,  qu'on  trouvera  dès 
maintenant  ici  en  appendice  :  tous  sont  favorables  à  la  thèse 
de  la  non  authenticité  du  Suaire;  aucun  ne  lui  est  opposé. 

On  sait  à  l'aide  de  quels  arguments  successifs  on  a  cherché 
à  éluder  la  force  probante  des  bulles  de  Clément  VII  publiées 
dans  mon  Etude  critique  :  on  les  a  accusées  de  manquer 
d'authenticité,  puis  d'autorité,  enfin  de  vérité.  Tout  en  étant 
convaincu  de  l'authenticité  de  ces  bulles,  je  cherchai  dès  le 
début  à  en  retrouver  les  expéditions  originales  ou,  mieux 
encore,  leur  enregistrement  dans  la  série  dite  d'Avignon 
aux  archives  Vaticanes.  M.  de  Manteyer  en  avait  découvert 
une*,  qui  me  permit  d'être  affirmalif  à  l'égard  de  l'authenti- 
cité de  tout  le  dossier.  Dans  la  suite,  empêché  d'aller  moi- 
même  rechercher  les  autres  à  Rome,  je  priai  un  chapelain  de 
Saint-Louis-des-Français  et  un  R.  P.  Bénédictin  de  vouloir 
bien  s'en  enquérir.  Le  résultat  de  leurs  investigations  intelli- 
gentes a  dépassé  mes  espérances  :  ils  ont  retrouvé  les  pièces 
connues  et  d'autres  encore.  Dès  le  1 5  novembre,  je  signalai 
une  des  découvertes  du  chapelain  de  Saint- Louis  ^.  La  recon- 
naissance, non  moins  que  la  loyauté,  me  firent  un  devoir 
de  désigner  l'heureux  chercheur,  M.  l'abbé  Mollat,  par  son 
nom,  en  mentionnant  la  date  de  son  envoi  (21  octobre).  Un 


*  Appendice,  lettre  I  (=N). 

-  Université  catholique  de  Lyon  (190a),  t.  XLI,  p.  43i. 


8  AUTOUR   DES    ORIGINES 

tenant  de  l'authenticité  du  Suaire,  M.  du  Teil,  correspon- 
dant de  la  Société  des  antiquaires  de  France,  a  saisi  au  vol 
cette  indication  pour  faire  demander  à  M.  Mollat  une  copie 
de  tous  les  documents,  et  M.  A.  Loth  s'est  empressé  de 
signaler  aux  lecteurs  de  la  Vérité  française^  ces  découvertes 
comme  renversant  ma  thèse  historique,  de  même  qu'une 
précédente  communication  du  même  M.  du  Teil-  avait  fait 
déclarer  par  M.  Bidou  cette  thèse  remaniable  «  de  fond  en 
comble  ^  » .  On  prend  souvent  ses  désirs  pour  des  réalités  ; 
le  fait  est  que,  malgré  les  expressions  fort  peu  mesurées  de 
M.  Loth  et  la  conclusion  trop  hâtive  de  M.  Bidou,  on  n'a 
rien  démoli  du  tout.  Le  mot  du  R.  P.  Thurston  reste  vrai  : 
((  Démonstration  historique  strictement  établie  et  dont 
aucun  détail,  même  de  peu  d'importance,  n^a  été  ébranlé  par 
les  arguments  des  adversaires*  ». 

Pour  en  faire  la  preuve,  il  suffira  de  suivre  chronologique- 
ment la  série  des  documents  qui  me  sont  parvenus.  Le  pre- 
mier lot  est  dû  aux  recherches  persévérantes  d'un  docte 
Bénédictin,  le  R.  P.  dom  Ursmer  Berlière,  directeur  de 
l'école  Belge  à  Rome.  D'abord,  deux  requêtes  de  Geoffroy 
de  Gharny,  chevalier,  seigneur  de  Lirey  au  diocèse  de 
Troyes,  en  faveur  de  la  collégiale  qu'il  avait  fait  construire 
à  Lirey,  paroisse  de  Saint-Jean-de-Bonneval^.  Par  leur  date 
(i6et  26  avril  1349)  elles  relèguent  à  tout  jamais  au  rang 
des  fables  le  vœu  qu'il  aurait  fait  durant  sa  captivité 
(i^""  janvier    i35o)  d'édifier    cette    maison    religieuse.    La 


*  N"  du  27-8  décembre  1902,  5^  col. 

*  Bulletin  de  la.  Société  des  antiquaires  de  France  (1902),  p.  214.  Teil 
(Jos.  du),  Autour  du  Saint-Suaire  de  Lirey...;  Paris,  1902,  in-S"  de  2  f.- 
28  p. 

3  Revue  de  VInstiiut  catholique  de  Paris  (1902),  t.  VII,  p.  47 1« 

*  A  propos  du  Saint-Suaire  de  Tui'in  (extrait  de  la  Revue  du  clergé  fran- 
çais, i5  nov.  et  i5  déc.)  ;  Paris,  1902,  in-S",  p.  37. 

^  Appendice,  lettres  A  et  B. 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  9 

réponse  (Fiat),  qui  suit  la  plupart  des  articles,  semble  prou- 
ver que  la  curie  fit  droit  aux  demandes  de  Geoffroy,  mais 
on  n'a  pas  constaté  que  la  concession  ait  revêtu  sous  Clé- 
ment VI  la  forme  des  bulles.  Par  contre,  les  rubriques 
d'un  volume  de  la  deuxième  année  d'Innocent  VI  indiquent 
six  bulles  de  ce  pape,  expédiées  en  conformité  aux  requêtes 
présentées  à  son  prédécesseur^  :  mon  Etude  critique  en 
signalait  quatre  (p.  22).  En  outre,  une  bulle  d'indulgences 
a  été  découverte,  datée  du  3  août  i354~.  J'avais  déjà 
signalé^  celle  du  5  juin  iSSy,  accordée  à  Avignon  par 
douze  évêques,  la  plupart  titulaires  ''. 

Je  précise  de  nouveau,  pour  qu'on  n'en  ignore,  que  dans 
tous  ces  documents  il  n'y  a  pas  un  seul  mot  qui  puisse  se 
rapporter,  de  près  ou  de  loin,  au  Suaire,  que  l'on  continue 
à  prétendre  déposé  et  vénéré  dans  la  collégiale  à  cette 
époque.  Pas  un  mot  non  plus  dans  les  anniversaires  du  fon- 
dateur de  la  collégiale  ^. 

La  relique  semble  bien  cependant  avoir  été  donnée  par 
Geoffroy  I  de  Charny,  mais  elle  n'eut  de  renommée  qu'après 
sa  mort  (26  mars  1 356)  et  aucun  document  n'en  parle  anté- 
rieurement à  1389.  Tout  ce  qu'on  en  sait  jusqu'à  cette  date 
se  trouve  dans  le  Mémoire,  aujourd'hui  fameux,  de  Pierre 
d'Arcis^,  qu'on  a  cherché  à  discréditer  ligne  par  ligne.  De 
ce  que  l'original,  expédié  à  la  cour  d'Avignon,  n'a  pas  été 
retrouvé  au  Vatican  dans  le  fonds  des  cassettes,  où  M.  Mollat 


^  Appendice,  lettre  G.  Le  texle  complet  de  ces  bulles  a  été  retrouvé  par 
le  R.  P.  Berlière  dans  le  vol.  147  des  Archives  Vaticanes,  f°*  041  v«-543  : 
elles  sont  invariablement  datées  «  m.  kal.  februarii,  anno  11  »  (3ojanv.  i354). 
J'ai  cru  inutile  d'en  demander  et  d'en  donner  ici  la  transcription. 

-  Appendice,  lettre  D. 

*  Le  Saint  Suaire  de  Turin,  histoire  d'une  relique  (190a),  p.  11. 

"*  Appendice,  lettre  E. 

^  Appendice,  lettres  F  et  G. 

*^  Etude  critique,  appendice,  lettre  G,  p.  vij-xij. 


10  AUTOUR   DES    ORIGINES 

l'a  vainement  cherché  \  que  peut-il  s'ensuivre  contre 
l'authenticité  de  l'acte?  J'ai  dit  que  la  double  copie  sur 
parchemin,  conservée  dans  le  volume  i54  de  la  Collection  de 
Champagne,  constitue  la  minute  originale.  M.  G.  La  Brède 
m'a  demandé  de  le  prouver^.  Mais  il  n'y  avait,  pour  en 
avoir  l'évidence,  qu'à  lire  le  titre  de  la  pièce  inscrit  (proba- 
blement de  la  main  de  l'évêque)  en  tête  de  l'acte  B  :  Veritas 
panni  de  Lireyo,  qui  alias  et  diu  est  ostensus  fuerat  et  de 
novo  iterum  fuit  ostensus,  super  quo  intendo  scrihere 
domino  nostro  Pape  in  forma  subscripta  et  quam  brevius 
potero.  Ce  mémoire,  c'est  l'évêque  qui  Taffirme,  renferme  la 
vérité  sur  le  Suaire  de  Lirey  ;  il  a  l'intention  d'en  écrire  au 
Pape  le  plus  tôt  possible  et  dans  la  forme  qui  suit.  Quant  à 
la  discussion  minutieuse  à  laquelle  on  a  soumis  ce  docu- 
ment, elle  a  pour  cause  la  qualification  de  «  capital  »  dont  je 
l'ai  gratifié  et  qu'il  mérite.  Chacun  de  ceux  qu'il  gênait  a  cru 
pouvoir  dicter  à  l'évêque  de  Troyes  les  précautions  qu'il 
aurait  dû  prendre,  les  actes  complémentaires  qu'il  aurait 
dû  rédiger  pour  contraindre  l'assentiment  de  la  postérité. 
Qu'est  ce  qui  prouve  leur  nécessité  d'après  la  jurisprudence 
canonique  du  temps?  Qui  pourrait  affirmer,  au  surplus, 
qu'on  ne  l'a  pas  fait,  que  ces  pièces  d'intérêt  temporaire 
n'ont  pas  été  détruites?  Pourquoi  négliger  de  parti  pris  ces 
mots  du  prélat,  que  j'ai  déjà  signalés  à  l'attention  :  «  Para- 
tum  me  offero  hic  in  promptu  per  famam  publicam  et  alias 
de  omnibus  supra  per  mepretensis  sufficienter  informare  »  ? 

11  était  donc  en  mesure  de  prouver  ses  dires. 

Avant  ce  mémoire  il  convient  de  classer  chronologique- 
ment :  1°  l'autorisation  accordée  par  le  cardinal  légat  Pierre 
de  Thury  à  Geoffroy  II  de  Charny  de  faire  exposer  à  nou- 

^  Ce  fonds    a  été    plus  éprouvé  que    tout  autre   dans   le  transfert  des 
Archives  du  Vatican  à  Paris  sous  Napoléon  le"". 

-  Intermédiaire  des  chercheurs  et  curieux  (1902),  t.  XLVI,  c.  908. 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  II 

veau  le  Suaire  à  la  dévotion  des  fidèles  dans  la  collégiale  de 
Lirey*  ;  sa  date  est  encore  inconnue,  mais  elle  appartient 
sûrement  à  Tannée  1 889  (avant  le  1 9  juin) .  a**  la  confirmation 
de  cet  induit  par  le  pape  Clément  VII  ;  le  texte  retrouvé  par 
M.  Mollat  porte  qu'elle  fut  donnée  le  28  juillet  1889,  expé- 
diée le  2  août  et  délivrée  le  lendemain". 

On  pouvait  s'étonner  qu'elle  ne  renfermât  aucune  des 
réserves  inscrites  dans  les  autres  bulles  du  6  janvier  1890  : 
elle  leur  est  antérieure  de  cinq  mois^.  Dès  lors,  toute  ano- 
malie disparaît  :  la  bulle  du  28  juillet  confirmait  la  conces- 
sion accordée  par  le  légat.  On  ignore  encore  la  date  de  celle- 
ci,  mais  l'acte  pontifical  lui  est  bien  postérieur,  car  dès  le 
4  août  le  roi  Charles  VI,  sur  les  instances  de  l'évêque  de 
Troyes,  révoquait  à  Paris  sa  permission  relative  à  l'expo- 
sition du  Suaire  et  ordonnait  de  le  placer  sous  la  main 
royale.  Il  n'y  a  pas  lieu  d'opposer  aux  lenteurs  de  Pierre 
d'Arcis  l'empressement  de  Geoffroy  à  recourir  au  pontife 
d'Avignon,  pour  faire  imposer  «  perpetuum  silentium  »  au 
prélat  qui  interdisait  l'exécution  du  rescrit  de  Pierre  de 
Thury  :  l'évêque,  agissant  en  vertu  de  son  pouvoir  ordinaire, 
dans  une  question  de  sa  compétence,  n'eut  à  justifier  la  légi- 
timité de  sa  prohibition  que  le  jour  où  sa  juridiction  fut  pa- 
ralysée par  le  bref  pontifical. 


^  La  supplique  qui  l'a  motivée  n'a  pas  non  plus  été  découverte  :  elle 
ne  se  trouve  ni  dans  les  volumes  70  et  71,  qui  comprennent  les  suppli- 
ques de  1389,  ni  dans  7a  qui  contient  celles  de  iSgo.  Il  manque  des  masses 
énormes  de  suppliques  aux  archives  pontificales  :  contre  74  volumes  de 
bulles,  d'au  moins  5oo  feuillets  chacun,  il  n'y  en  a  que  3o  de  suppliques, 
de  i5o  à  200  feuillets  seulement. 

2  Appendice,  lettre  H  (=  0). 

3  L'erreur  dans  la  date  que  je  lui  avais  assignée  (par  analogie  avec  les 
bulles  du  6  janv.  iSgo)  ne  tirait  à  aucune  conséquence  pour  le  fond  même 
de  la  question;  elle  a  été  occasionnée  par  la  Chronique  de  Zanlfliet,  lequel 
avait  remplacé  par  un  malencontreux  etc.  la  date  inscrite  dans  la  pièce  ori- 
ginale qu'il  avait  sous  les  yeux. 


12  AUTOUR    DES    ORIGINES 

La  date  fournie  par  le  registre  avignonnais  fixe  donc  avec 
exactitude  la  succession  des  événements  concernant  le 
Suaire  en  iSSp.  L'autorisation  du  légat  est  antérieure  au 
19  juin,  date  de  son  retour  à  Avignon  ;  approuvée  par  le  roi, 
elle  reçut  sans  retard  son  exécution.  L'évêque  de  Troyes 
ayant  voulu  y  mettre  opposition,  Geoffroy  lui  fit  imposer 
silence  par  le  pape  le  28  juillet;  dans  l'intervalle,  le  prélat 
avait  demandé  à  Charles  VI  de  révoquer  sa  permission,  ce 
qu'il  fit  le  4  août.  Pierre  d'Arcis  employa  les  mois  suivants 
à  faire  une  enquête,  à  rédiger  son  mémoire  et  à  négocier 
avec  la  curie. 

En  conséquence  du  mémoire  de  Pierre  d'Arcis  et  sans 
doute  des  réponses  des  chanoines,  Clément  VII  promulgua, 
le  6  janvier  iSgo,  trois  bulles  qui  tranchèrent  la  question 
(ad  perpetuam  rei  memoriam)  :  ce  sont  celles  que  j'ai  pu- 
bliées sous  les  lettres  K,  M  et  P.  On  veut  faire  grand  bruit 
de  prétendues  infidélités  de  mon  texte  :  la  leçon  définitive, 
ne  varietur,  renverserait  ma  thèse  historique.  On  a  même 
cherché  à  présenter  cette  affirmation  sous  le  couvert  du 
«  prêtre  distingué  »  qui  a  révélé  l'existence  de  ces  documents 
dans  les  Archives  du  Vatican.  Celui-ci  ne  semble  pas  avoir 
trouvé  cette  affirmation  de  son  goût,  car  je  lis  dans  la 
Vérité  du  l'^^janv.  que  M.  Mollat  «  est  demeuré  absolument 
étranger  aux  conclusions  auxquelles  ses  importantes  trou- 
vailles ont  donné  lieu  »  :  c'est  bien  là  une  rectification.  Je  ne 
serais  pas  surpris  si.  d'ici  à  peu  de  jours,  ce  «  prêtre  distin- 
gué »  ne  protestait  pas  publiquement  contre  ceux  qui  ont 
cherché  à  le  transformer  en  tenant  de  l'authenticité  du 
Suaire  ^ . 

Cette  question  de  diplomatique  pontificale  est  assez  com- 

*  Sa  protestation  vient  en  effet  de  paraître  dans  Le  Correspondant  du 
25  janv.  1903,  sous  ce  titre  :  «  Clément  VII  et  le  Suaire  de  Lirey  «  (p.  254-9)  ; 
à  part,  Paris,  igoS,  gr.  in-S"  de  8  p. 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  l3 

pliquée,  mais  M.  Mollat  m'a  fourni  tous  les  éléments  pour 
l'élucider.  Quand  nul  obstacle  ne  s'opposait  à  l'expédition  de 
la  grâce  accordée,  la  chancellerie  se  bornait  à  mentionner 
le  datiim  :  les  trois  bulles  en  question  ont  bien  été  données 
«c  VIII.  idus  januarii  »,  comme  je  Tai  imprimé.  Quand  la 
pièce  prétait  matière  à  corrections,  on  précisait  davantage  : 
ainsi  pour  K  «Expeditumv.  kal.  junii,  anno  xii.  Traditum 
et  correctum  m.  kal.  junii,  a.  xii'  »  ;  pour  P  «  Traditum  et 
correctum  m.  kal.  junii,  a.  xii^».  Mon  texte  offre,  comme 
la  minute,  deux  éditions  superposées  de  la  pièce  K  :  la  plus 
ancienne  (du  6  janv.),  qui  m'était  fournie  par  une  copie  du 
XIV®  siècle,  dans  le  corps  de  la  page  ;  la  nouvelle  (du  3o  mai) 
dans  les  notes.  Et  c'est  bien  ainsi  que  je  l'aurais  publiée, 
même  ayant  sous  les  yeux  le  registre  original  (où  les  parties 
supprimées  ou  corrigées  sont  cancellées,  mais  non  grattées), 
sauf  les  diversités  de  graphie  inévitables.  Une  expédition 
de  la  première  rédaction  a  dû  être  envoyée,  puisqu'on  en 
retrouve  le  texte  dans  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque 
nationale^.  On  aurait  pu  reconnaître  avec  quelle  loyauté 
scrupuleuse  j'ai  donné  les  variantes  de  la  seconde  édition, 
qui  atténuaient  un  peu  les  expressions  très  défavorables  de 
la  première  à  l'authenticité.  On  ne  fera  jamais  dire  à  cette 
bulle,  même  amendée,  que  le  Suaire  dont  il  y  est  question 
fût  l'original.  Il  y  reste  ces  mots  topiques  :  Figuram  seu 
reprsesentationem^o^  ostendunt  ut  verum  SudariumD.  N. 
J.  C.  (Les  mêmes  mots  «  figura  seu  reprœsentatio  »  se 
retrouvent  dans  une  bulle  d'indulgences,  du  1 1    juin  de  la 


*■  Appendice,  lettre  J  (=  K), 

-  Appendice,  lettre  K  (=  P). 

^  Un  nouvel  examen  de  la  minute  par  M.  Mollat  vient  de  changer  cette 
conjecture  en  certitude;  sous  un  gros  trait  de  plume  il  a  fini  par  lire  : 
«  Traditum  et  registratum  viii.  idus  februarii,  anno  su  ».  La  Jjulie  fui 
donc  délivrée  juste  un  mois  après  sa  première  rédaction. 


l4  AUTOUR    DES    ORIGINES 

même  année  iSgo,  que  je  publie*).  Il  yreste  encore  ceux- 
ci  (reproduits  dans  P),  contre  lesquels  on  a  oublié  de  s'es- 
crimer :  Ad  omnem  erroris  et  idolatriœ  maferiam  submo- 
z;e/i<^am;  l'idolâtrie,  d'après  la  théologie  un  peu  sévère  de 
l'évêque,  consistait  à  vénérer  comme  original  ce  qui  n'était 
qu'une  image  ;  il  y  avait  erreur,  au  sens  du  pape,  à  présenter 
le  Suaire  comme  authentique.  A  qui  d'ailleurs  fera-t-on 
croire  que  des  scrupules  d'exactitude  hislorique  aient  seuls 
motivé  les  corrections  dont  on  fait  si  grand  état  ? 

Les  documents  prétendus  nouveaux  laissent  donc  la  ques- 
tion historique  intacte,  avec  cet  avantage  que  l'on  convient 
de  leur  importance. 

Sans  chercher  ou  découvrir  des  textes  inédits,  d'autres 
travailleurs  ou  amateurs  se  sont  occupés  du  Suaire.  On 
n'est  pas  habitué  à  rencontrer  des  bénédictins  parmi  les 
romanciers  :  ce  phénomène  semble  cependant  s'être  produit 
au  début  de  ce  siècle.  Le  Linceul  du  Christ,,  étude  critique 
et  historique,^  par  dom  Franc.  Ghamard  ^,  est  ,pour  sa  par- 
tie essentielle,  un  véritable  roman:  le  mot  a  été  prononcé 
de  divers  côtés.  «  La  filiation  imaginée  par  dom  Ghamard, 
dit  M.  BiDOU  (p.  471)'  repose  tout  entière  sur  une  énorme 
invraisemblance».  Il  a  refait  l'histoire  des  origines  du 
Suaire  à  l'aide  de  conjectures  dont  pas  un  bout  de  texte  ne 
fournit  la  preuve.  Le  plus  étrange,  c'est  la  satisfaction  qu'il 
a  procurée  aux  partisans  outrés  de  l'authenticité  :  — la  ques- 
tion, déclare  l'un  d'eux,  est  désormais  tranchée  pour  tout 
esprit  impartial^  ;  — ils  ne  semblent  pas  se  douter  que, 
venant  de  Gonstantinople  par  Othon  de  la  Roche  à  Besan- 


*  Appendice,  lettre  L. 

2  Paris,  i902,gr.  in-S"  de  loip.Voir  le  compte  rendu  de  M.  l'abbé  J.-B. 
Martin,  àdiVLsV Université  catholique  (igoS),  t.  XLII,  p.  i4a-4;  à  part,  Lyon, 
1903,  gr.  in-8°  de  3  p, 

3  A.  LoTH,  dans  La  Vérité  française  du  28  oct.   1902. 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  l5 

çon,  et  non  par  les  Ghamplitte  ou  les  Gharny  à  Lirey, 
le  Suaire  a  des  origines  plus  obscures  que  jamais. 

On  ne  trouve  rien  de  nouveau  dans  l'article  de  M.  Bidou, 
déjà  cité,  remaniement  d'une  conférence  antérieure.  Il  serait 
trop  long  de  discuter  des  affirmations  comme  celles-ci  : 
u  La  campagne  fut  menée  avec  frénésie  par  des  hommes 
que  Ton  croyait  qui  participaient  de  la  sérénité  de  la  science. 
Les  meilleurs  ont  un  tonde  confiance  et  de  jactance,  une 
sûreté  hautaine  de  négation.  La  plupart,  quand  un  fait  les 
gêne,  se  contentent  de  se  taire  ou  d'affirmer  la  supercherie  », 
etc.,  etc.  (p.  461-2).  Je  montrerai  un  jour  par  des  textes  à 
qui  doit  s'adresser  cette  algarade.  Pour  le  moment,  je  me 
demande  quelle  a  été  l'impression  des  érudits  qui  sont  la 
gloire  de  l'Institut  catholique  de  Paris,  en  voyant  leur  aima 
mater  patronner  officiellement  la  fameuse  relique  de 
Turin , 

L'authenticité  du  Linceul  du  Christ,  état  actuel  de  la 
question,  par  M.  Henri  Terquem^  est  d'allures  plus  modé- 
rées. Je  ne  vois  pas  que  sa  communication  à  la  Société 
Dunkerquoise  pour  l'encouragement  des  sciences  ait  fait 
«  siffler  les  oreilles  »  de  personne,  comme  on  l'a  dit.  L'au- 
teur convient  en  finissant  «  que  tant  qu'on  n'aura  pas  établi 
la  chaîne  ininterrompue  reliant  le  Suaire  au  Calvaire,  la 
thèse  de  l'authenticité  n'aura  historiquement  pas  fait  un 
pas.  La  moindre  lacune  l'annihile  »  (p.  99). 

Une  note,  inscrite  à  la  fin  d'un  Missel  (jadis  aux  Orato- 
riens  de  Chalon)  conservé  à  Carpentras  (n°  91),  a  fourni  un 
argument  de  plus  contre  la  date  du  22  mars  i452,  donnée 
par  tous  les  historiens  du  Suaire  comme  celle  de  la  donation 
ou  vente  à  la  maison  de  Savoie.  A  ce  moment,  il  était 
encore  la  possession  de  Marguerite  de  Gharny,  puisqu'elle 

'  Paris,  1902,  in-80  de  a  f.-ii3  p.,  planche. 


l6  AUTOUR    DES    ORIGINES 

en  faisait  exhibition  à  Germolles  (Saône-et-Loire)  le  i3  sep- 
tembre suivante 

Cette  cession  resta  un  mystère  :  les  documents  officiels 
l'ont  dissimulée  à  plaisir,  de  même  que  les  premiers  pro- 
priétaires du  Suaire  sont  toujours  demeurés  dans  un  vague 
intentionnel  sur  son  origine.  Suivant  le  fils  même  du  dona- 
teur du  Linceul  à  la  collégiale  de  Lirey  (entre  i353  et  i356), 
cette  image  était  un  cadeau  fait  à  son  père  (figuram...  sibi 
liberaliter  oblatam);  d'après  Marguerite,  sa  petite-fille,  il 
en  avait  fait  la  conquête.  Ces  assertions  imprécises  étaient, 
à  n'en  pas  douter,  destinées  à  dissimuler  sa  véritable  origine, 
à  dépister  les  recherches  :  ceux-là  même  qui  ont  cru  pouvoir 
reconstituer  —  par  conjectures  —  l'histoire  de  la  relique  de 
Turin  depuis  les  premiers  temps,  la  font  tous  venir  de 
Gonstantinople,  à  l'issue  de  la  quatrième  croisade.  Les 
documents  exhumés  dans  mon  Etude  et  en  partie  reproduits 
plus  loin  ont  établi,  avec  une  évidence  saisissante  pour 
quiconque  a  le  sens  critique,  qu'on  est  en  présence  d'une 
peinture,  dont  ils  fixent  l'époque  avec  une  précision  qui  ne 
laisse  guère  à  désirer. 

Il  restait  un  point  à  élucider.  A  l'effet  de  donner  du 
renom  à  la  collégiale  fondée  le  20  juin  i353,  d'attirer  la  foule 
des  fidèles  et  de  bénéficier  de  leurs  largesses,  on  aurait  pu  se 
procurer  des  reliques  plus  authentiques,  mieux  assurées, 
du  moins  au  début,  de  la  foi  des  fidèles.  Pourquoi  le  choix 
du  linceul  du  Christ?  pourquoi  surtout  cette  fausse  appella- 
tion de  Suaire  (Sudarium,  Souaire),  qui  revient  exclusi- 
vement dans  une  vingtaine  de  documents  échelonnés 
entre  1389  et  i473,  au  lieu  de  Linceul  fSindonJ,  qui 
aurait  été  le  nom  exact?  Un  fait,   sur  lequel  M.  de  Man- 

♦  Le  Saint  Suaire  de  Lirey,  histoire  d'une  relique  (1902).  p.  i(). 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  I7 

teyer  a  bien  voulu  attirer  mon  attention  ^  va  nous  l'expli- 
quer. 

Très  peu  d'années  avant,  en  i35o,  avait  eu  lieu  à  Rome 
un  événement  mémorable,  dont  les  échos  furent  répercutés 
aux  extrémités  du  monde  chrétien  :  le  grand  jubilé  de 
Clément  VI.  Par  dérogation  à  la  constitution  de  Boni- 
face  VIII,  il  suivait  le  premier  à  cinquante  ans  de  distance -. 
Il  y  eut  un  concours  extraordinaire  de  fidèles  des  deux  sexes 
et  de  toutes  conditions  :  un  million  à  douze  cent  mille,  de 
Noël  à  Pâques,  au  dire  d'un  annaliste  contemporain, 
Matthieu  Villani;  huit  cent  mille,  de  l'Ascension  à  la  Pente- 
côte ;  les  chaleurs  de  Tété  ne  firent  jamais  descendre  le 
nombre  des  pèlerins  au-dessous  du  quart  de  ce  chiffre^. 
Quelle  fut,  pour  la  piété  externe,  la  grande  attraction  de  ce 
pèlerinage  ad  limina  apostolorum?\c  Santo  Sudario,  répon- 
dent unanimement  les  chroniqueurs.  On  le  montrait  dans  la 
basilique  Vaticane  les  dimanches  et  jours  de  fête  —  la  pre- 
mière ostension  eut  lieu  le  dimanche  de  la  Passion  —  et 
l'affluence  pour  le  vénérer  était  telle  que  parfois  jusqu'à 
douze  personnes  furent  étouffées  dans  la  presse'*.  Parmi  les 
pèlerins    illustres  on   note  Louis,  roi   de  Hongrie^,  sainte 

*  Lellredu  8  octobre.  Mon  savant  et  perspicace  collaborateur  retrouvera 
plusieurs  de  ses  idées  dans  la  suite  de  cette  exposition. 

-  Raynaldus,  Annales  ecclesiastici,  an.  i349,  num.  11;  an.  i35o,num.  i-3. 
C'est  la  source  de  toutes  nos  histoires  ecclésiastiques,  Fleurv  en  donne 
une  traduction,  que  Rohrbachek  a  copiée  littéralement,  sans  le  dire. 

^  Islorie,  lib.  I,  cap.  58. 

'  «  Il  Santo  Sudario  di  Cristo  si  niostrava  nella  chiesa  di  S.  Pietro  per 
consolazione  de'  romei  ogni  Domenica  e  ogni  di  di  festa  solenne  ;  sicchè  la 
maggior  parte  de'  romei  il  poterono  vedere.  E.  la  pressa  vi  era  al  continovo 
grande  ed  indiscrcta;  perché  più  volte  avvenne  che  quando  due,  quando 
quatlro,  ([uando  sei,  e  talora  lu  che  dodici  vi  si  trovarono  raorti  dalla  stretta 
e  dallo  scalpitaraenlo  délia  gente.  »  (Mateo  Villani, /scorie,  lib.  I,  cap.  56, 
dans  MuRATORi,  Rer.  liai,  script.,  1729,  t.  XIV,  c.  07.) 

^«  E  vide  il  sacro  Volto  del  Salvatore  parimente  ogni  di.  »  (Dom.  Mar. 
Manni,  Istoi'ia  degli  anni  ssnti,  Firenze,  1750,  in-4°»  p.  35.) 


l8  AUTOUR    DES    ORIGINES 

Brigitte  de  Suède*  et  Pétrarque'^.  Le  mot  Sudario,  qu'il 
faut  retenir,  exprime  imparfaitement  pour  nous  de  quelle 
relique  il  s'agissait  :  ce  n'était  ni  le  suaire  qui  fut  mis  sur  la 
tête  de  Jésus,  ni  le  linceul  dans  lequel  on  l'ensevelit  :  c'était, 
comme  le  précise  Henri  de  Rebdorf,  l'image  connue  sous  le 
nom  de  Véronique   ou   San  Volto^.  De  nobles  Vénitiens 

*  «  Ed  occorse  una  volta  seconde  che  vien  riferito,  che  portandosi  con 
modesta  accompagnatura  econ  grande  esemplarilà  aile  sacre  visite,  mentre 
vi  si  mostrava  in  S.  Pietro  il  Sacro  Sudario,  un  cavalier  Danese  fu  ardito  di 
dirle,  che  col  parer  di  alcuni  non  credeva  esser  vera  quella  insigne  reli- 
quia;  del  che  conturbata  S.  Brigida,  orando,  cidi  dirsi  dal  céleste  Sposo  : 
Quid  tibi  dixit  ille  magniloquus  et  flabellum  ventorura?  Nonne  quod  multi 
dubitant  de  Sudario  meo,  utrum  sitverum  annon?  Die  ergo  eiconstanter..., 
de  Sudario  meo  sciât,  quod  sicut  sudor  sanguinis  mei  de  corpore  meo 
fluxit  imminente  passione  mea,  quando  rogavi  Patrera,  sic  iste  sudor  exivit 
de  facie  meapropter  qualitatem  rogantis  me  ad  consolationemfuturorum.  » 
(Bevelationes,  lib.  IV,  cap.  lxxxi;  Manni,  op.  cit.,  p.  38.) 

-  Il  parle  lui-même  du  Suaire  dans  son  14*^  sonnet: 

«  E  viene  (le  pèlerin)  a  Roma  seguendo  '1  desio 
Per  mirar  la  sembianza  di  celui 
Ch'ancor  lassù  nelCiel  vedere  spera.  » 

(Le  Rime,  édit.  Soave,  i8o5,  t.  I,  p.  11.)  Voir  encore  ses  lettres  latines 
et  sa  Vila.  par  Muuatori  (171  i,  etc.) 

'  «  In  dominica  Passionis  Domini,  qua  canitur  Judica.  me,  primo  osten- 
sum  fuit  Sudarium  Domini  sive  imago  delata  per  Veronicam;  et  tune  ex 
nimia  pressura  in  ecclesia  S.  Pétri,  me  prœsente,  multi  sunt  suffocati.  » 
(Annales,  dans  Boehmer,  Font.  rer.  Gernian.,  1868,  t.  IV,  p.  562.)  —  Mon- 
trée par  Boniface  VIII  à  Jacques  II,  roi  d'Aragon,  en  1296,  cette  relique 
avait  été  exposée  les  jours  de  fête,  durant  le  jubile  de  i3oo  :  «  ...  Die  quâ 
toti  orbi  venerabilis  revelatur  effigies,  vulgo  Sudarium  seu  Veronica 
dicta...»  (CardinaIJacques  Cajetan  STEFANEscHi,dans  Raynaldus,  an.  i3oo, 
num.  2.)  «  Et  per  consolatione  de'  cristiani  peregrini  ogni  venerdi  o  di  so- 
lenne  di  festa,  si  mostrava  in  San  Pietro  la  Veronica  del  Sudario  di  Cristo.  » 
(Giov.  ViLLANi,  Historié  Fiorent.,  lib.  VIII,  cap.  36,  dans  MunAToni,  t.  XIII, 
c.  367.)  Il  n'en  est  pas  question  dans  Manni  pour  les  jubilés  de  iSgo, 
1400  et  1423,  mais  à  celui  de  i5oo-i  il  y  eut  une  telle  affluence  qu'on  dut 
la  montrer  deux  fois  le  jour  de  Noël  (p.  97).  Le  Diarium  de  Burchard 
rapporte  au  6  janvier  :  «  Cum  essemus  circa  portam  mediam  prœdictam 
(auream  S.  Pétri)  adhuc  intra  basilicam,  ostensus  est  populo  Vultus 
Domini.  »  (Manni,  p.  loo;  éd.  Thuaske,  i885,  t.  III,  p.  92.)  Dans  ses  Chris- 
tusbilder  (Leipzig,  1899),  ^^-  Ernst  von  Dobschiïtz  a  reproduit  116  témoi- 
gnages concernant  la  légende  de    Véronique  ;  la  forme   primitive  remon- 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  I9 

donnèrent  à  celte  occasion,  pour  la  montrer  à  la  foule,  un 
panneau  ou  exposition  (tabula)  de  cristal,  à  incrustations 
d'or  et  d'argent^  dont  le  reflet  devait  faire  ressortir  les 
traits  un  peu  effacés  de  la  figure  du  Christ. 

Ce  spectacle  inusité  laissa  une  bien  forte  impression  dans 
rimagination  de  ceux  qui  en  avaient  été  témoins,  et  même 
de  tous  les  contemporains,  car  le  municipe  de  Rome  et  celui 
de  Florence  décidèrent  que  les  gros  d'argent  et  les  florins 
d'or  porteraient  désormais  comme  différent  le  Suaire  (col 
segno  del  Sudario  di  N.  S.  G.  C).  Bien  que  le  registre  de  la 
monnaie  ne  précise  pas  la  cause  de  cette  addition,  la  coïn- 
cidence transforme  ici  la  cause  occasionnelle  en  cause  effi- 
ciente^. Que  des  Champenois  et  des  Bourguignons  soient 
allés  en  pèlerinage  au  jubilé  de  i35o,  le  fait  ne  saurait  faire 
l'ombre  d'un  doute;  mais  il  y  a  plus.  Au  moyen  âge,  les 
relations  entre  le  centre  de  la  catholicité  et  la  Champagne 
furent  telles,  grâce  aux  foires  de  ce  pays  (Bar,  Lagny, 
Provins  et  Troyes),  que  Rome  adopta  au  xii'=  siècle  le  type 
de  la  monnaie  de  Provins.  Au  xiv%  ce  fut  celle  de  Florence 
qui  fut  imitée  à  son  tour  en  Bourgogne  :  les  ducs  Eudes  IV 
(i3i5-5o)  et  Philippe  de  Rouvres  (i35o-6i)  frappèrent  des 
florins. 

Même  en  dehors  de  ces  relations  significatives,  le  reten- 
tissement du  jubilé  aurait  pénétré  en  Champagne.  La  dévo- 
tion populaire  a  eu  de  tout  temps  des  fluctuations,  des 
préférences  successives,  dont  on  peut  retrouver  la   raison 

lerait  à  l'année  5oo  environ;  la  plus  ancienne  conservée  à  600  env. 
(p.  273'-333'). 

^  Raynaldus,  Annales,  ann.  i35o,  num.  i  :  cf.  Dobschutz,  n»  63, 
2  Orsini  (Ignazio),  S^ona  t/e//e  nionete  délia  repubblica  Fiorentina;  Fi- 
renze,  1760,  in-40.  —  Gapobianchi  (V.),  Appunti  per  service  ail' ordina- 
menlo  délie  monete  coniate  dal  senato  Romane  dal  1184  al  1439...,  dans 
Archioio  delUr.  società  Romana  disloria  patria  (i8y6),  t.  XIX,  p.  106-8  et 
pi.  III,  n"  7  et  suiv. 


20  AUTOUR    DES    ORIGINES 

d'être  dans  des  événements  contemporains.  La  création  d'une 
relique  fausse  a  toujours  eu  pour  but  de  servir  l'intérêt 
immédiat  de  son  possesseur,  en  conformité  avec  les  tendances 
du  moment.  Le  choix  de  l'objet  créé  était  combiné  de 
manière  à  flatter  et  à  satisfaire  les  désirs  du  propriétaire 
ou  la  piété  du  peuple  environnant.  En  procurant  au  trésor 
de  la  collégiale  de  Lirey  un  suaire,  Geoffroy  la  dota  de  la 
relique  la  plus  capable,  à  ce  moment,  d'impressionner  les 
foules,  dont  l'imagination  était  encore  hantée  par  le  sou- 
venir du  suaire  vénéré  à  Rome  si  peu  d'années  avant.  Le 
choix  d'un  suaire,  plutôt  que  de  toute  autre  relique,  pour 
attirer  à  la  collégiale  naissante  l'affluence  et  les  générosités 
des  pèlerins,  s'explique  d'autant  mieux  par  le  souvenir  du 
Sudario  vénéré  durant  le  jubilé,  que  l'expression  était  im- 
propre, comme  elle  l'avait  été  à  Rome  :  le  «  drap  »  de 
Lirey  était  un  linceul'.  Cette  coïncidence  d'un  côté,  cette 
différence  de  l'autre,  paraissent  frappantes. 

Cette  explication  du  choix  de  la  relique  projette  beaucoup 
de  lumière  sur  les  documents  et  en  confirme  la  sincérité. 
Antérieur  de  nombre  d'années  à  la  collégiale,  le  Suaire  ne 
se  prêterait  pas  à  l'accusation  de  faux  intrépidement  sou- 
tenue par  les  évêques  deTroyes.  Par  une  modestie  fréquente 
au  moyen  âge,  le  peintre  a  pu  négliger  de  signer  son  œuvre 
et  même  de  se  faire  connaître  :  on  obtint  sans  peine  un 
aveu  de  sa  part.  Tout  au  début,  la  relique  ne  semble  pas  avoir 
été  présentée  comme  remontant  à  l'ensevelissement  du  Sau- 
veur :  le  silence  absolu  de  tous  les  documents  primordiaux 
établit  qu'elle  n'avait  rien  d'insigne.  La  créance  à  son  anti- 
quité se  sera  développée  par  une  exagération  spontanée  de 


*  Le  R.  P.  ïiiuRSTON  croit  établir  qu'au  xiii®  siècle  le  mot  sudatnum  pou- 
vait signifier  un  linceul  recouvrant  le  corps  entier  (opusc.  cité,  p.  34)  :  soit, 
mais  cet  argument  ne  détruit  pas  la  coïncidence  et  la  dissimilitude  entre 
la  dévotion  du  Suaire  de  Lirey  et  celle  du  Sudario  de  Rome. 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  21 

la  dévotion  des  fidèles,  avec  la  connivence  tacite,  si  l'on 
veut,  des  chanoines. 

LePi.  P.  ïhurston  a  prétendu  que  la  question  d'authenticité 
n'a  jamais  été  posée ^  :  en  théorie  et  dans  les  actes  publics, 
la  chose  est  admissible;  et  c'est  la  thèse  que  j'ai  soutenue  et 
prouvée  en  dressant  le  catalogue  chronologique  des  termes 
dont  on  s'est  servi  pour  qualifier  le  Suaire,  des  origines  au 
XVI®  siècle*.  Mais  l'évèque  de  Troyes  se  plaignait  à  juste 
titre  que  les  cérémonies  somptueuses  dont  on  accompagnait 
l'ostension  de  la  relique  avaient  créé  et  contribuaient  à  déve- 
lopper l'opinion  erronée  du  vulgaire.  Le  but  des  chanoines 
ne  saurait  faire  doute:  attirer  les  foules  parles  splendeurs  du 
culte  extérieur  rendu  à  la  relique  et  faire  bénéficier  la  fabri- 
que de  l'église  des  aumônes  des  fidèles  :  l'espérance  de  véné- 
rer un  linceul  qui  avait  touché  le  corps  du  Christ  et  où  son 
image  adorable  s'était  imprimée  entraînait  les  foules  àLirey. 

La  bulle  de  iSSy  octroie  des  indulgences  à  gagner  le 
jour  de  la  dédicace  de  l'église  :  cela  ne  prouve  pas  que  sa 
consécration  était  déjà  faite.  Celle  de  1890  parle  de  sa  con- 
struction (fabricR  ecclesie);  il  s'agissait  ou  de  son  achève- 
ment ou  de  réparer  les  désastres  qu'elle  avait  pu  subir 
durant  la  guerre  de  Cent  ans. 

En  compulsant  l'ensemble  des  registres  de  Clément  VII, 
M. l'abbé  Mollata  constaté  qu'une  grande  partie  des  suppli- 
ques adressées  à  ce  pape  avaient  pour  but  d'obtenir  des  in- 
dulgences en  vue  de  reconstruire  ou  de  réparer  les  églises'. 
Pour  attirer  les  dons  on  faisait  mention  de  reliques  étranges 

'  A  propos  du  Saint  Suaire  de  Turin,  p.  28-3o. 

*  Le  S'  Suaire...  et  les  défenseurs  de  son  authenticité  (1902),  p.  37-8. 

'  C'est  à  l'aide  de  l'exposé  du  début  de  la  bulle  qu'on  est  renseigné,  en 
l'absence  de  la  supplique,  sur  le  contenu  de  celle-ci.  —  Voir,  dans  cet  ordre 
d'idées,  le  bien  curieux  ouvrage  du  P.  Henri  Denifle,  La  désolation  des 
églises^  monastères,  hôpitaux  en  France  vers  le  milieu  du  xy  siècle  et  pen- 
dant la  guerre  de  Cent  ans]  Màcon,  1897-9,  2  vol.  en  3  p.  gr.  in-S"". 


2a  AUTOUR    DES    ORIGINES 

et  de  corps  saints  inconnus  :  jamais  peut-être  on  n'avait 
autant  fabriqué  de  fausses  reliques.  En  faisant  droit  aux 
demandes  des  suppliants,  le  Pape  se  garde  bien  de  jamais  se 
porter  garant  de  l'authenticité  des  objets  pieux  offerts  à  la 
dévotion  des  fidèles  ;  il  ajoute  invariablement  à  l'exposé  : 
ut  creditur,  ut  refertur,  ut  dicitur.  En  i533,  le  pape 
Clément  VII  (de  Rome)  usait  encore  de  la  même  circonspec- 
tion à  l'égard  du  Suaire  de  Ghambéry  :  ut  pie  creditur^. 
Sur  ce  point  il  y  a  mieux  encore  et  ceci  va  répondre  péremp- 
toirement à  ceux  qui  arguent  d'une  série  de  bulles  des  papes 
du  xvi*^  siècle,  lesquelles  auraient  authentiqué  le  Suaire 
et  détruiraient  l'influence  défavorable  de  celles  de  Clé- 
ment VII  (d'Avignon)^.  En  1670,  une  princesse  de  Savoie 
sollicita  une  indulgence  plénière  pour  ceux  qui  visiteraient 
l'église  de  Turin  lors  de  l'exposition  du  Saint  Suaire.  La 
Congrégation  des  indulgences  opina  que  la  concession  de- 
vait renfermer  la  restriction  ci-dessus,  ut  pie  creditur,  ou 
toute  autre  semblable.  Finalement  le  18  novembre  on  con- 
céda l'indulgence,  non  à  ceux  qui  vénéreraient  le  Suaire 
comme  le  véritable  linceul  dans  lequel  le  Christ  avait  été 
enseveli,  mais  à  ceux  qui  méditeraient  sur  les  souffrances 
de  N.-S.,  surtout  sur  sa  mort  et  sa  sépulture^. 

Il  n'est  point  aisé  de  démêler  comment  la  croyance  à 
l'authenticité  du  Suaire  déposé  dans  l'église  de  Lirey 
germa,  se  développa  et  devint  la  croyance  générale.  Dans 
ses  notes  sur  le  monastère  de  la  Trinité  de  Vendôme^, 
dom  Anselme  Le  Michel  raconte,  à  l'année  i643,  que  «  la 
duchesse  de  Vendôme,  encore    vivante,    avoit  récemment 

*  Appendice,  lettre  O. 

2  G.  Re.  Pro  s»>«  Sindone;  [Torino,  igoS],  in-S",  p.  i5. 

3  MoNCHAMP  (MS""  Georg.),  Liège  et  Rome,  à  propos  de  V authenticité  du 
Saint-Suaire  de  Turin  [extrait  de  Leodium);  Liège,  igoS,  in-8°  de  12  p.  Je 
lui  emprunte  l'appendice  Q. 

^  Paris,  Bibliothèque  nationale,  ms.  lat,  iSSao. 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  23 

apporté  de  Turin  à  Vendôme  le  fac-similé  du  Suaire  du 
Christ,  que  l'on  expose  ici  au  peuple  avec  une  pompe  quasi- 
religieuse,  cum  apparatu  tanquam  religioso  )),et  il  semble 
craindre  que  dans  la  suite  des  temps  la  crédulité  du  peuple 
ne  le  vénère  comme  le  véritable  ^ 

Une  lettre  récente,  non  provoquée,  va  montrer,  par  ce 
qui  se  passe  au  xx''  siècle,  ce  qui  a  dû  arriver  au  xiv*^  :  le 
sentiment  religieux  de  l'homme  n'a  pas  changé.  Si  je  ne 
nomme  pas  mon  vénérable  correspondant,  c'est  que  le  temps 
me  manque  de  lui  en  demander  l'autorisation .  «  . . . .  Une  dame 
de  M***  a  donné  au  i  y"  siècle  à  notre  abbaye  un  fac-similé 
du  saint  Suaire  de  Turin,  de  la  grandeur  de  l'original  .... 
C'est  quelque  chose  comme  les  saintes  Faces  que  l'on  donne 
à  Saint-Pierre  de  Rome.  Une  fois  par  an,  on  fait  une  osten- 
sion  solennelle  de  cette  image  et  le  peuple  croit  généralement 
que  c'est  le  linceul  même  du  Seigneur.  Nous  nous  gardons 
bien  de  le  dire,  mais  nous  ne    montons  pas  en  chaire,  le 

jour  de  l'ostension,  pour  crier  le  contraire L'archevêque 

de  ***  m'a  demandé  officiellement  quelle  était  l'authenticité 
de  la  Sabana  Santa.  Je  répondis  que  c'était  une  copie  du 
Suaire  de  Turin...  Pour  l'original,  je  me  référai  aux  tra- 
vaux de  Chifflet  et  autres...  Je  montrai  que  l'ostension, 
telle  que  nous  la  pratiquions,  selon  la  tradition..., 
n'avait  rien  de  contraire  aux  lois  de  l'Eglise  et  était  une 
cérémonie  édifiante  ;  quant  à  l'authenticité,  qu'il  fallait  lais- 
ser les  choses  en  l'état.  La  Sahana  Sanfa  de  ***  n'a  aucun 
signe  d'authenticité  ni  de  reconnaissance  ecclésiastique... 
Nous  la  conservons  respectueusement  dans  une  boîte  dorée 
au  milieu  de  nos  reliques  dans  la  chapelle  du  trésor.  Le 
jour  de  l'Invention  de  la  Sainte-Croix,  on  la  porte  en  pro- 
cession au  maître-autel  et  trois  prêtres  la  présentent   à  la 

*  Métais  (Ch.),    dans  Bulletin  de  la    Société   archéologique    du  Vendô- 
mois  (1890),  t.  XXIX,  p.  ib2-3. 


24  AUTOUR    DES    ORIGINES 

vénération  du  peuple  déployée  et  tendue  ;  pendant  ce  temps 
on  chante  le  Miserere  et  quelques  fidèles  font  toucher  par 
dévotion  leurs  objets  de  piété  au  linceul  vénéré.  »  Long- 
temps encore  il  en  sera  ainsi  du  Suaire  de  Turin  :  possideatis 
ut  possidetis^  suivant  l'axiome  en  pareille  matière. 

Au  printemps  dernier,  le  pape  Léon  XIII  a  demandé  à  la 
Congrégation  des  Indulgences  et  Reliques  d'examiner  la 
question  du  Suaire  de  Turin,  qui  commençait  à  faire  du 
bruit.  Les  consulteurs  se  sont  procuré  les  opuscules  publiés 
pour  et  contre,  et  se  sont  livrés  à  des  recherches  person- 
nelles. Leur  conclusion,  soumise  par  le  cardinal  préfet  au 
Souverain  Pontife,  est  formelle  contre  l'authenticité  :  non  | 
sustinetur.  Comme  moi  et  bien  d'autres,  la  Congrégation 
pouvait  être  désireuse  de  se  trouver  en  présence  d'un  por- 
trait original  du  Christ,  image  acheiropoïete  (non  faite  de 
main  d'homme).  Les  rapports  délicats  de  la  cour  Romaine 
avec  la  maison  de  Savoie  pouvaient  aussi  la  faire  hésiter  à 
se  prononcer  dans  une  question  où  l'honneur  national  est  ^ 
fortement  en  jeu.  C'est,  à  ne  pas  s'y  méprendre,  la  raison 
pour  laquelle  on  ne  publiera  peut-être  pas  de  décret  :  on 
laissera  la  controverse  s'éteindre  sur  place.  L'appréciation 
de  la  presse  étrangère,  de  plus  en  plus  défavorable  à  la  thèse 
de  M.  Vignon'  y  contribuera  pour  une  bonne  part;  la 
décision  des  consulteurs,  connue  plus  tard  dans  ses  détails, 
achèvera  la  démonstration. 

Romans,  9  janvier  igoS. 


*  Outre  le  P.  H.  Tiiurstox,  dont  le  travail  original  a  paru  dans  The 
Month,  voir  surtout  Jos.  Braun,  Das  Turiner  Grabtuch  des  Herrn,  dans 
Stimmen  aus  Maria  Laach  (Freiburg  i.  B.  1902),  t.  LXIII,  pp.  249-61  et 
398-410.  La  s.Sindone  di  Torino,  dans  VOsservatore  caitolico  (Milano,6  déc. 
1902).  M8'  Laflamme,  dans  Bévue  ecclésiastique  (Valleyfield  [Canada],  1901- 

2), t.  IX,  p.  6-10;  t.  XII,  p.  329-33. 


APPENDICE 


A 

16  avril  i349. 

SiGNiFiCAT  S[anctitati]  V[estre]  dévolus  filius  vester  Joffridus  de  Ghar- 
ni,  miles,  dominus  de  Lirey,  Trecensis  diocesis,  quod  ipse  in  villa 
de  Lirey,  infra  limites  parrochie  Sancti  Johannis  de  Bonnevauls,  ejus- 
dem  diocesis,  de  bonis  sibi  a  Deo  collatis  quandam  ecclesiam  in  honore 
béate  Virginis  Marie  et  precipue  Annunciationis  Jhesu  Xpisti  fecit 
construi  in  eaque  ordinavitquinque  canonicatusetquinque  prebendas, 
valons  quarumlibet  triginta  librarum  Turonensium,  quinque  personis 
ydoneis  assignandas  imperpetuum  in  eadem.  Quare  humililer  supplicat 
ut  ipsam  ecclesiam  in  Collegialam  erigere  dignemini,  et  sibi  et  succes- 
soribus  suis  dominis  ipsius  loci  de  Lirey  concedere  facultatem  confe- 
rendi  pleno  jure  ipsos  canonicatus  et  prebendas  personis  ydoneis,  quo- 
vismodo  vacabunt.  —  Fiat,  sed  ordinet  ibi  unum  caput.  R[egistralum]. 

Item,  cum  idem  miles,  adhuc  et  ultra  predicta,  de  dictis  suis  bonis 
in  eadem  ecclesia  intendat  ordinare  canonicatum  alium  cum  prebenda 
valoris  predicli,  necnon  et  decanatum  regendum  per  alterum  canoni- 
corum  prebendatorum  ejusdem  ecclesie,  cujus  decanus  ratione  sui 
decanatus,  ultra  suos  canonicatum  et  prebendam,  etiam  habebit 
triginta  libras  in  redditibus  monete  predicte,  supplicat  humiliter 
quatinus  capitule  ipsius  ecclesie  electionem  et  confirmationem  decani 
ejusdem,  qui  pro  tempore  fuerit  eligendus  etconfirmandus,  concedere 
dignemini  de  gratia  speciali.  —  Fiat.  R. 

Item,  etiam  idem  miles  intendit  numerum  canonicatuum  et  preben- 
darum  ecclesie  predicte,  Deo  favente,  augmentare,  qui  etiam  causa 
devotionis  poterit  per  alios  in  futurum  augmentari,  quare  supplicat 
humiliter,  quatinus  canonici  imposterum  cum  predictis  sex  per  quos- 
cunquc  in  dicta  ecclesia  creandi,  et  qui  prout  unus  ex  predictis  erunt 
dotati,  possint  eisdem  libertatibus  gaudere.  quibus  et  pro  nunc  gau- 


20  AUTOUR   DES    ORIGINES 

debunt  présentes,  et  quod  sub  norma  et  régula  presentium  etiam  vivere 
sint  astricti.  —  Fiat.  R. 

Item,  eidem  decano  concedere  dignemini  ut  predictorum  canonico- 
rum  prebendatorum,  capellanorum  etbeneficiatorum  ejusdem  ecclesie, 
ac  eorum  familiarium  confessiones  audire  valeat,  et  de  hiis,  de  quibus 
rector  parrochialis  ecclesie  suos  parrochianos  absolvere  potest,  absol- 
vere  possit,  etc.  —  Fiat,  R. 

Item,  quod  omnibus  dévote  et  vere  penitentibus  ipsam  ecclesiam 
visitantibus,  singulis  annis  et  singulis  festivitatibus  dicte  Virginis,  c. 
dies  indulgere  dignemini,  ut  in  forma.  —  Fiat.  R. 

Item,  totidem  ipsius  ecclesie  benefactoribus  servitoribus  ejusdem  pro 
qualibet  (sic)  festo  semel.  —  Fiat.  R. 

Item,  cum  multas  ordinationes  fecerit  et  facere  intendit,  utpote  de 
servitio  divino  in  dicta  ecclesia  per  ipsos  canonicos  et  alios  servitores 
faciendo,  qui  ad  continuam  residentiam  erunt  astricti,  quibusdamque 
aliis  licitis,  de  quibus  in  vicecancellaria  fiet  fides,  supplicat  quatinus 
ipsas  ratas  et  gratas  habere  dignemini  et  ex  certa  scientia  confirmare, 
litteras  exinde  confectas  et  confîciendas  in  vestris  litteris  inserendo. 
—  Videantur  in  vicecancellaria  et  confirmentur,  si,  etc.  R. 

Item,  eidem  supplicanti  concedere  dignemini  ut,  post  dissolutionem 
corporis  sui,  quod  idem  corpus  possit  dividi  et  diversis  locis  sepeliri, 
prout  duxerit  ordinandum,  et  alias  ut  in  forma.  Fiat.  R. 

Item,  quod  sibi  et  omnibus  secum  existentibus,  ubicunque  fuerint, 
concedere  dignemini,  quod  possint  in  mortis  articulo  per  presbiterum 
ydoneum  absolvi  a  pena  et  culpa  ut  in  forma.  —  Fiat  pro  eo.  R. 

Item,  quod  eidem  concedere  dignemini,  ut  omnes  religiosi,  quorum- 
cunque  ordinum  existant,  Cartusiensibus  exceptis,  déclinantes  ad  suas 
domos  vel  alibi  ubicumque  fuerit,  dum  tamen  major  domus  existât, 
carnes  ipso  présente  comedere  possint,  non  obstantibus  quibuscunque, 
etc.  —  Fiat,  si  procédât  de  beneplacito  majorum  suiordinis.  R. 

Et  quod  transeant  sine  alia  lectione.  —  Fiat.  R. 

Datum  Avinione,  xvi.  kalendas  maii,  anno  septimo. 

Archives  du  Vatican,  Reg.  Supplie,  démentis  VI,  suppl. 
t.  17,  f"  265  r". 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  27 

B 

2G  avril  1349. 

SuppLicAT  s.  V.  humilis  et  dévolus  filius  et  miles  vester,  Jofîridus  de 
Charny,  quatinus  decano  et  capitule  per  S.  V.  ereclo  et  ordinato 
in  villa  de  Lirey,  Trecen.  diocesis,  concedere  dignemini,  ut  omnes 
oblationes  quovismodo  provenientes  ad  ipsam  ecclesiam  et  quibuscun- 
que  horis  recipere  valeant,  et  in  suos  usus  communes  convertere;  ita 
tamen  quod  rectori  parrochialis  ecclesie  dicti  loci  qui  fuerit  pro  tem- 
pore  seu  patrono,  vel  illi  ad  quem  oblationes  pertinent,  decem  libras 
rongulen.  monete  usuaiis,  uno  termino,  scilicet  die  Nativitatis  Domini, 
isn  Tuis  annis  solvere  teneantur;  et  si  rector  dicti  loci  sive  patronus, 
vel  alius  ut  supra,  hiis  decem  libris  non  essent  contenti,  quod  ex  nunc 
compellantur  ad  conveniendum  cum  dicto  capitulo  de  cerla  annua 
pensione  recipienda,  qua  semel  instituta  et  soluta  imperpetuum  obser- 
vetur.  —  Habeant  oblationes,  concordato  prius  de  pensione  per  prio- 
rem  Sancti  Aygulphi  de  Privino  et  decanum  Sancti  Urbani  Tre 
cen.  R. 

Item,  eisdem  decano  et  capitulo  concedere  dignemini,  ut  cimiterium 
juxta  ipsam  ecclesiam  vel  alibi,  loco  decenti,  de  prope  habere  valeant 
consecratum,  in  quo  se  ipsos,  familiares,  capellanos,  servitores  ipsius 
ecclesie,  necnon  et  omnes  alios  volentes  in  eodem  cimiterio  sepultu- 
ram  eligere,  facere  sepeliri  possint;  reservata  funeralium  quarta  parte 
pro  rectore  parrochialis  ecclesie,  juxta  juris  formam.  —  Ilabeant  pro 
canonicis  et  servitoribus  ecclesie,  R. 

Et  quod  transeat  sine  alia  lectione.  —  Fiat.  R. 

Datum  Avinione.  vi.  kal.  maii,  anno  septimo. 

Archives   du    Vatican,    Reg.    Supplie,    démentis    VI, 
t.  17,  fo  265  \°. 


c 

i354. 

TRECENSis.  Universis  Xpisti  fidelibus  ecclesiam  B.  M.   V.  de  Lirey, 
Trecensis  dioc,  visitantibus  indulgentie  largiuntur. 
Joffrido  de  Charneyo,  militi,  fundatori  predicte ecclesie  B.  M.,reser- 
vatur  jus  patronatus  presentandi  personas  idoneas  in  ecclesia  supra- 
dicta. 


28  AUTOUR    DES    ORIGINES 

Capitule  ipsius  ecclesie  conceditur  ut  personas  idoneas  in  decanos 
ipsius  ecclesie  eligere  possint. 

Eisdem  conceditur,  ut  cemeterium  juxta  ecclesiam  ipsam  habere 
possint. 

Ad  perpetuam  rei  memoriam,  ipsis  capitulo  statuitur  ut  bona  mobi- 
lia  personarum  ipsius  ecclesie  intestatas  decedencium  fabrice  ipsius 
ecclesie  debent  remanere. 

Eisdem  capitulo  conceditur  ut  decanus  ipsius  ecclesie  confessiones 
audire  valeat  personarum  ecclesie  supradicte. 

Archiv.  du  Vatican,  Reg.  Avign.  127  (Innocent  VI,  a"  II, 
t.  VII),  fo  28  vo  de  Rubricis. 


D 

3  août  1354. 

UNivERSis  Xpisti  fîdelibus  présentes  litteras  inspecturis,  salutem. 
Splendor  paterne  glorie,  qui  sua  mundum  illuminât  ineffabili 
ciaritate,  pia  vota  fidelium  de  clementissima  ipsius  majestate  speran- 
tium,  tune  precipue  benigno  favore  prosequitur,  cum  devota  ipsorum 
humilitas  sanctorum  precibus  et  meritis  adjuvatur.  Gupientes  igitur, 
ut  ecclesia  Béate  Marie  Virginis  de  Lirey,  Trecensis  diocesis,  per 
dilectum  filium  nobilem,  virum  Joffridum  de  Charneyo,dominumdicti 
loci  de  Lirey,  infra  limites  parrochie  ecclesie  sancti  Johannis  de  Bona- 
valle,  ejusdem  diocesis,  ut  asseritur  canonice  fundata,  congruis  hono- 
ribus  frequentetur  et  ut  Xpisti  fidèles  eo  libentius  causa  devotionis 
confluant  ad  eandem  quo  ibidem  uberius  dono  celestis  gratie  cons- 
pexerint  se  refectos,  de  omnipotentis  Dei  misericordia  et  beatorum 
Pétri  et  Pauli  apostolorum  ejus  auctoritate  confisi,  omnibus  vere 
penitentibus  et  confessis  qui  in  Nativitatis,  Resurrectionis  et  Ascen- 
sionis  Domini  nostri  Jhesu  Xpisti  ac  Penthecostes  festivitatibus  eccle- 
siam ipsam  dévote  visitaverint  annuatim  et  pias  ibidem  elemosinas 
erogarint,  unum  annum  et  quadraginta  dies  de  injunctis  eis  peniten- 
ciis,  singulis  videlicet  festivitatum  ipsarum  diebus  quibus  ecclesiam 
ipsam  visitaverint  et  pias  elemosinas  erogarint,  ut  prefertur  misericor- 
diterrelaxamus.  Datum  [apud]  Villam  novam,  Avinionensis  diocesis,  m, 
nonas  augusti,  anno  secundo, 

Archiv.  du  Vatican,  Reg,  Avign.  147  (Innocent  VI,  A" 
IX»,  p.  III,  t.  XXVII),  fo  54i  vo, 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  29. 

E 

5  juin  iSSy. 

UNivERsis   sancte   matris   Ecclesie    filiis,  ad  quos  présentes   littere 
pervenerint.  Nos,  miseratione  divina  Bernaudus  Assisii  ",  Arnal- 
dus  Surrensis  *,    Bonifacius   Gibenicensis  <',  Johannes  Carminensis  ^, 

Bernardus ,  Julianus  Gardicensis  ",  Bertrandus   Aliphanensis /, 

Raymundus  Aleriensis  £',  Bernardus  Sagonensis '',  Gregorius  Anza- 
riensis  *',  Raphaël  Archadiensis -^  et  Lucas  Auximanus''^  episcopi,  salu- 
tem  in  Domino  sempiternam.  Splendor  paterni  luminis,  qui  sua 
mundum  ineffabili  claritate  illuminât,  pia  vota  fidelium  de  clemencia 
majestatis  sue  sperantium  tune  precipue  favore  benigno  prosequitur, 
cum  devota  ipsorum  humilitas  sanctorum  meritis  et  precibus  adju- 
vatur.  Gupientes  igitur  ut  ecclesia  collegiata  de  Lireyo,  in  honore 
béate  Marie  Virginis  fundata,  Trecensis  dyocesis,  congruis  honoribus 
frequentetur  et  a  Ghristifidelibus  jugiter  veneretur,  omnibus  vere 
penitentibus  et  confessis,  qui  ad  dictam  ecclesiam  in  singulis  sue 
patrone  festis  et  in  omnibus  aliis  infrascriptis,  videliceL  Natalis 
Domini,  Gircumcisionis,  Epiphanie,  Parasceves,  Pasche,  Ascensionis, 
Pentecostes,  Trinitatis,  Gorporis  Ghristi,  Inveniionis  et  Exaltationis 
sancte  Grucis,  sancti  Michael  archangeli,  in  omnibus  festis  béate 
Marie  Virginis,  Nativitatis  et  Decollationis  sancti  Johannis  Baptiste, 
beatorum  Pétri  et  Pauli  apostolorum  et  omnium  aliorum  aposto- 
lorum  et  evangelistarum,  in  festo  Omnium  Sanctorum  et  in  commemo- 
ratione    animarum,  ac   in   dicte  ecclesie   dedicatione,  sanctorumque 


a  Précédemment  évéque  d'Ajaccio,  où  Gams  le  nomme  Bernard  (Séries  cpis- 
cop.,  p.  764);  mais  à  Assise  lui  (p.  669)  et  EuBELf//ier.  cathoL,  p.  114)  l'appellent 
Bertrand,  avec  des  différences  quant  à  son  nom  de  famille. 

b  En  1357  révcque  de  Sorrente  [Siirrenlin.),  en  Italie  méridionale,  s'appelait 
Pierre  (Eubel,  p.  494)- 

c  Sebenico,  en  Dalmatie  (Eubbl,  p.  473). 

d  Evêché  non  identifié  par  Eubel  (p.  173). 

e  Gardiki,  en  Grèce  (Eubel,  p.  172). 

f  Alife,  en  Italie  méridionale  (Eubel,  p.  83). 

g  Aleria,  en  Corse  (Eubel,  p.  81). 

h  Sagona,  également  en  Corse  (Eubel,  p.  45o). 

i  D'après  Mas  Lathif.  (Très,  chron.,  c.  1986),  ce  nom  pourrait  désigner  l'évo- 
ché  d'Osero,  dans  l'Adriatique,  dontle  titulaire  était  alors  Mathieu  (Eubel,  p.  65). 

j  Arkadi,  dans  l'île  de  Crète  (Eubel,  p.  io3). 

H  Osimo,  dans  l'Italie  centrale  (Eubel,  p.  ia3). 


3o  AUTOUR   DES    ORIGINES 

Stephani,  Laurencii,  Vincencii,  Martini,  Nicolai,  Georgii  et  Sébas- 
tian!, sanctarumque  Marie  Magdalene,  Margarete,  Katerine,  Anne, 
Lucie,  Agnetis  et  Agathe,  et  per  octavas  omnium  festivitatum  predic- 
tarum  octavas  habentium,  singulisque  diebus  dominicis  et  sabbatis 
tocius  anni,  causa  devotionis,  orationis  aut  peregrinationis  accesse- 
rint,  seu  qui  missis,  predicationibus,  mat[ut]inis,  vesperis  aut  aliis 
divinis  officiis,  exequiis  et  mortuorum  sepulturis  ibidem  interfuerint, 
aut  qui  ibidem  celebraverint  seu  fecerint  vel  procuraverint  celebrari, 
seu  qui  ambitum  dieti  ecclesie  dévote  circuierint  exorando  pro 
defunctis,  aut  qui  Corpus  Christi  vel  oleum  sacrum,  cum  infirmis 
portantur^  secuti  fuerint,  vel  qui  in  serotina  pulsatione  campane  flexis 
genibus  ter  Ave  Maria,  dixerint;  necnon  qui  ad  fabricam  ipsius  ecclesie, 
luminaria,  libros,  calices,  vestimenta  seu  quevis  alia  ornamenta 
necessaria  manus  porrexerint  adjutrices,  aut  qui  eidem  ecclesie  aurum, 
argentum,  vel  aliquid  suarum  facultatum  in  suis  testamentis  vel 
extra  donaverint,  legaverint,  seu  donari  vel  legari  procuraverint,  ac 
omnibus  visitantibus  dictam  ecclesiam  et  reliquios  ibi   existentes,  et 

qui   pro   salubri  statu    domini   episcopi  nobilissimi  principis 

ducis  Burgundie  qui  nunc  est nobilissime  Johanne  de 

Vergy et  eciam  pro  statu  discreti  viri  domini 

animabus  eorum  cum  ab  hac  luce  migraverint exoraverint,  et 

qui  pro  animabus  pie  recordalionis  domini  Gaufridi  de    Gharneyo, 

militis, et  domine  Johanne  de  Tociaco,  quondam  ejusdem 

domini  Gaufridi  uxoris,  orationem  dominicam  cum  salutatione  ange- 

lica,  septem  psalmos  penitenciales  aut  alios pia  mente 

dixerint,  missas  celebraverint  aut  celebrari  fecerint.  Quocienscumque, 
quicumque  et  ubicumque  premissa  vel  aliquid  predictorum  dévote 
fecerint,  de  omnipotentis  Dei  misericordia  et  beatorum  apostolorum 
Pétri  et  Pauli  ejus  auctoritate  confîsi,  singuli  nostrum  quadraginta 
dies  indulgenciarum  de  injunctis  eis  penitenciis  misericorditer  in 
Domino  relaxamus,  dummodo  dyocesani  voluntas  ad  id  accesserit  et 
consensus.  In  cujus  rei  testimonium  sigilla  nostra  sunt  appensa. 
Datum  Avinione,  die  quinta  mensis  junii,  anno  Domini  millesimo 
CGCLVII",  et  pontificatus  domini  Innocencii  pape  sexti  anno  quinto. 

Archives  départementales  de   l'Aude,   à  Troyes,  fonds 
de  Lirey,  96.  Communiqué  par  M.  l'abbé  Nioré. 


DU    SUAIRE   DE    TURIN 


Anniversaires  fondés   en  Véglise  collégiale  Notre-Dame 
de  Lirey  (1521). 

Ung  des  anniversaires  de  feu  de  bonne  mémoire  monseigneur  Jofîroy 
de  Charny,  chevalier,  fondateur  d'icelle  église  de  Notre  Dame  de 
Lirey,  se  doit  fayre  et  célébrer  le  plus  révèremment  et  le  plus  sollem- 
pnellement  qu'il  soit  possible,  comme  il  a  bien  mérité,  le  lendemain  de 
la  feste  de  l'Annonciation  de  la  glorieuse  Vierge  Marie,  en  mars,  qui 
est  la  feste  principale  de  ladite  église.  Lequel  anniversaire  est  de  la 
fondation  de  ladite  église. 


Catalogue  des  anniversaires  et  fondations  qui  se  doivent  acquitter 
dans  Véglise  Notre-Dame  de  Lirey,  copié  en  1760  sur  un  manus- 
crit fait  en  1691 . 

Le  26  mars,  l'anniversaire  de  messire  Geoffroy,  comte  de  Charny, 
fondateur  de  ce  chapitre. 

H(=0) 

28juillet-3  août  i38g. 

(^LEMENs,  episcopus,  servus  servorum  Dei,  dilecto  filio  nobili  viro 
^  Gaufrido,  domino  loci  de  Lireio,  Trecensis  diocesis,  salutem  et 
apostolicam  benedictionem.  Tue  devotionis  sinceritas,  quam  erga 
Deum  et  nos,  ac  Romanam  ecclesiam  gerere  nosceris,  promeretur  ut 
petitionibus  tuis,  illis  presertim  que  divini  nominis  honorem  et  glo- 
riam  respicere  dinoscuntur,  favorabiliter  annuamus.  Exhibita  siqui- 
dem  tue  petitionis  séries  continebat,  quod  nuper  dilecto  filio  nostro 
Petro,  tituli  Sancte  Susanne  presbytero  cardinali,  pro  parle  tua  expo- 
sito,quod  olim  genitortuus  zelodevotionisaccensus,  quandam  figuram 
sive  representationem  SudariiDomini  nostri  JhesuXpisti  liberalitersibi 
oblatam,  in  ecclesia  Béate  Marie  de  Lireyo,  Trecensis  diocesis,  cujus 
ipsefundator  extitit,  venerabiliter  collocari  fecerat;  et  quod  demum. 
Domino  permittente  partes  illas  guerris  et  mortalitatum  pestibus  gra- 
viter concuti,  figura  sive  representatio  hujusmodi,  etiam  ad  mandatum 


32  AUTOUR   DES    ORIGINES 

ordinarii  loci  et  ex  aliis  certis  causis,  de  dicta  ecclesia  Béate  Marie 
ad  alium  tutiorem  locum  translata,  et  decenter  usque  tune  recondita 
extiterat  et  venerabiliter  custodita ;  et  quod  tu,  ad  ecclesie  predicte 
decorem,  devotionem  populi  et  cultus  divini  augmentum,  cupiebas 
prefatam  figuram  sive  representationem  in  ecclesia  predicta  reponi, 
idem  cardinalis,  quem  tune  ad  carissimum  in  Xpisto  filium  nostrum 
Garolum,  regem  Francorum  illustrem,  pro  certis  nostris  et  predicte 
Romane  ecclesie  negotiis  destinaveramus,  quique  faciendo,  gerendo, 
exercendo,  hujusmodi  negotiorum  prosecutione  durante,  in  civita- 
libus  etdiocesibus  acprovinciis,per  quas  eundo  et  redeundo  transire, 
et  in  quibus  moram  trahere  ipsum  contingeret,  omnia  et  singula,  que 
Romane  ecclesie  cardinalis  legationis  fungens  officio,  infra  sue  lega- 
tionis  terminos  facere,  gerere  et  exercere  potest,  a  nobis  facultatem 
habebat.  Quique  per  Senonensem  provinciam,  de"  qua  dicta  diocesis 
Trecensis  existit,  transitum  fecerat,  tibi,  hujusmodi  negotiorum  pro- 
secutione durante,  ut  figuram  seu  representationem  predictam  in  pre- 
fata  ecclesia  Sancte  Marie,  congruo,  honorabili  et  decenti  loco  poni  et 
collocari  facere  posses,  diocesani  vel  alterius  cujuscunque  non  petita 
vel  obtenta  licentia,  per  litteras  suas  induisit;  quodque  dicta  figura 
sive  representatio  hujusmodi  indulti  vigore,  in  dicta  ecclesia  Béate 
Marie  reposita  fuit  decenter  ;  et  quod  postmodum  venerabilis  frater 
noster  Petrus,  episcopus  Trecensis,  ex  hujusmodi  indulto  commotus, 
in  sua  synodo  ultimo  celebrata,  rectoribus  parrochialium  ecclesiarum 
ac  illis  quos  proponere  contingent  verbum  Dei,  ne  de  sudario  Jhesu 
Xpisti,  figura  seu  representatione  ipsius  in  suis  ecclesiis  aut  sermo- 
nibus,  sive  in  bono  sive  in  malo,  aliquam  mentionem  facerent  ;  ac 
demum  dilecto  filio  decano  ecclesie  Béate  Marie  predicte,  ne  sub 
excommunicationis  pena  dictam  figuram  seu  representationem  alicui 
ostenderet,inhibuit.  A  quaquidem  inhibitione  eidem  decano  facta,pro 
parte  dicti  decani  fuit  ad  sedem  apostolicam  appellatum.  Et  quia  dicta 
figura  sive  l'epresentatio  postappellationem  hujusmodi  populo  publiée 
exhibita  extitit  et  ostensa;  nos  igitur  tuis  in  bac  parte  supplicationi- 
bus  inclinati,  indultum  prefatum  ratum  et  gratum  habentes,  illud, 
proutsuperius  enarratur,  ex  certa  scientia,  auctoritate  apostolica  con- 
fîrmamus,  et  presentis  scripti  patrocinio  communimus  ;  et  nichilominus 
eidem  decano  et  dilectis  filiis  capitulo  dicte  ecclesie  Béate  Marie, 
presentium  tenore  concedimus,  quod,  inhibitione  hujusmodi  non  obs- 

«  Le  texte  ajoute  ici  le  mot  dicta,  sûrement  inutile  et  fautif. 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  33 

tante,  liguram  seu  representationem  eandem  populo  publiée  ostendere 
et  osiendi  facere  valeant,  quotiens  fuerit  opportunum  ;  eidem  episcopo 
super  inhibitione  predicta  perpetuum  silentium  imponentes.  NuUi 
ergo  hominum  liceat,  etc.  —  Datum  Avinione,  v  kalendas  augusti, 
anno  undecimo.  —  Expeditum  nii  nonas  augusti,  anno  xi.  —  Tradi- 
tum  m  nonas  augusti^  anno  xi. 

Archives   du    Vatican,   l\eg.    Avign.  208,  t"  468    v".  En 
haut,  à  gauche  x  >  soit  24  sous  Tournois  de  taxe.  — 

X 

Inutile  de  donner   les  variantes  du  texte  fautif    du 
chroniqueur  Zantfliet  (Elude  critique,  p.  xix-xxi). 


I  (=N) 

6  janvier  iSgo. 

CLEMENS,  etc.,  venerabili  fratri  Petro,  episcopo  Trecensi...  —  Cum 
dudum  dilectus  fîlius  noster  Petrus,  tibuli  S.  Susanne... 

Archives  du  Vatican,  Reg.  Avign.  261,  f-'  227  r".  Une 
nouvelle  collation  a  l'ait  lire  1.3o,  apponi  ;  1.  34. 
quatinus. 


J  (  =  K) 

G  janvicr-6  février  iSgo. 

CLEMENS,  etc.  «,  ad  futuram  rei  memoriam.  —  Apostolice  Sedis 
providencia  circumspecla  non  nunquam  concessa  per  eam  modi- 
fîcat,  ac  circa  illa  statuit  et  disponit  prout  rerum  et  temporum  qualitas 
exigit,  et  id  conspicit  in  Domino  salubriter  expedire.  Dudum  siquidem 
pro  parte  dilecti  filii  nobilis  viri  Gaufridi^  domini  loci  de  Lireyo,  Tre- 
censis  diocesis,  nobis  exposito,  quod  nuper  dilecto  filio  nostro  Petro, 
lituli  Sancte  Susanne  presbitero  cardinali,  pro  parte  ejusdem  Gaufridi 
exposito,  quod  olim  genitor  ipsius  Gaufridi  zelo  devocionis  accensus, 
quandam  liguram  sive  representacionem  Sudarii  Domini  nostri  Jhesu 
Xpisti  sibiliberaliter  obIatam,in  ecclesia  Béate  Marie  de  Lireyo,  dicte 
diocesis,  cujus  ipse  fundator  extitit,  venerabiliter  coUocari  feceral,  et 
quod  demum,  Domino  permittente  partes  illas  guerris  et  mortalitatum 
pestibus    graviter   concuti  ^,  figura    seu  '^  representacio  hujusmodi  '', 

A  omet    comme  de  coutume  ce  début.  —  b  A  concussi.  —   c  Var.    sive.    — 
Bomet. 


34  AUTOUR    DES    ORIGINES 

eciam  ad  mandatum  ordinarii  loci  et  ex  aliis  certis  causis,  de  dicta 
ecclesia  Béate  Marie  ad  alium  tuciorem  locum  translata  et  decenfer 
usque  tune  recondita  extiterat  et  venerabiliter  custodita  ;  et  quod  idem 
Gaufridus  ad  ecclesie  predicte  decorem,  devocionem  populi  et  cultus 
divini  augmentum  cupiebat  prefatam  figuram  sive  representacionem 
in  ecclesia  predicta  reponi,  idem  cardinalis,  quem  tune  ad  carissimum 
in  Xpisto  filium  nostrum  Carolum,  regem  Francorum  illustrem,  pro 
certis  nostris  et  predicte  Romane  ecclesie  negociis  destinaveramus, 
quique  faciendi,  gerendi  et  exercendi,  hujusmodi  negociorum  prose- 
cucione  durante,  in  civitatibus  et  diocesibus  ac  provinciis,  per  quas 
eundo  et  redeundo  transire  «  et  in  quibus  moram  trahere  ipsum  contin- 
geret,  omniaet  singula  que  Romane  ecclesie  cardinalis  legacionis  fun- 
gens  offîcio  infra  sue  legacionis  termines  facere,  gerere  et  exercere 
potest,  a  nobis  facultatem  habebat  ;  quique  per  Senonensem  provinciam, 
de  qua  dicta  diocesis  Trecensis  existit,  transitum  fecerat,  eidem  Gau- 
frido,  hujusmodi  negociorum  prosecucione  durante,  ut  figuram  seu 
representacionem  predictamin  prefata  ecclesia  Sancte  Marie  congruo, 
honorabili  et  decenti  loco  poni  et  collocari  facere  posset,  diocesani  vel 
alterius  cujuscunque  non  petita  vel  obtenta  licencia,  per  litteras  suas 
indulserat;  quodque  dicta  figura  seu  representacio,  hujusmodi  indulti 
vigore,  in  dicta  ecclesia  Béate  Marie  reposita  fuerat  decenter;  et  quod 
postmodum  venerabilis  frater  noster  Petrus,  episcopus  Trecensis,  ex 
hujusmodi  indulto  commotus,  in  sua  synodo  ultimo  celebrata  rectori- 
bus  parrochialium  ecclesiarum  ac  illis  f  quos  proponere  contingeret 
verbum  Dei,  ne  de  Sudario  Jhesu  Xpisti,  figura  seu  s  representacione 
ipsius  in  suis  ecclesiis  aut  sermonibus,  sive  in  bono  sive  in  malo  ali- 
quam  mencionem  facerent  ;  ac  demum  dilecto  filio  decano  ecclesie 
Béate  Marie  predicte,  ne  sub  excommunicacionis  pena  dictam  figuram 
eu  representacionem  alicui  ostenderet,  inhibuerat  ;  a  qua  quidem  inhi- 
bicione  eidem  decano  facta,  pro  parte  dicti  decani  fuerat  ad  Sedem 
apostolicam  appellatum,  et  quia  dicta  figura  sive  representacio,  post 
appellacionem  hujusmodi,  populo  publiée  exhibita  extiterat  et  ostensa, 
nos  indultum  prefatum  ex  certa  sciencia,  auctoritate  apostolica  confir- 
mavimus  ;  et  nichilominus  eidem  decano  et  dilectis  filiis  capitulo 
dicte  ecclesie  Béate  Marie  concessimus,  quod,  inhibicione  hujusmodi 
non  obstante,  figuram  seu  representacionem  eandem  populo  publiée 

fi  B  omet.  —  f  Var.  aliis.  —  g  Var.    seuque. 


DU    SUAIRE   DE    TURIN  35 

ostendere  et  ostendi  facere  valerent,  quociens  foret  oportunum,  eidem 
episcopo  super  inhibicione  predicta  perpetuum  silencium  imponendo, 
prout  in  nostris  inde  confectis  litteris  plenius  continetur.  Nos  igitur 
circa  modum  ostensionis  hujusmodi,  ad  omnem  erroris  et  ydolatrie  '^ 
materiam  submovendam,  de  oportuno  remedio  providere  curantes  % 
volumus  et  tenore  presencium  auctoritate  apostolica  statuimus  et  eciam 
ordinamus-^"  quod,  quocienscunque  dictam  figuram  seu  representacio- 
nem  deinceps  populo  ostendi  contigerit,  decanus  etcapitulum  predicti 
ac  alie  persone  ecclesiaslice  hujusmodi  figuram  seu  representacionem 
ostendentes  et  in  hujusmodi  ostensione  présentes,  quandiu  ostensio 
ipsa  durabit,  capis,  superpelliciis,  albis,  pluvialibus  vel  aliis  qui- 
buslibet  ecclesiasticis  indumentis  seu  paramentis  nullatenus  propte- 
rea  induantur,  nec  alias  *  solempnitates  faciant  que  lieri  soient  in  reli- 
quiis  ostendendis, quodque  propterea  torticia,  facule  seu candele  minime 
accendantur,  nec  luminaria  quecunque  ibidem  '  adhibeantur  ;  quodque 
ostendens  dictam  figuram,  dum  major  ibidem  convenerif"  populi 
multitudo  publiée  populo  predicetet  dicat  alta  et  intelligibili  voce, 
omni  fraude  cessante,  quod  figura  seu  representacio  predicta  non 
est"  verum  Sudarium  Domini  nostri  Jhesu  Xcisti,  sed  quedam 
pictura  seu  v  tabula  facta  in  ')  figuram  seu  representacionem  **  Suda- 
rii,  quod  fore  dicitur  ejusdem  Domini  nostri  Jhesu  Xpisti  ».  Pre- 
fatas  litteras  nostras  et  earum  effectum,  si  *  voluntatem  ac  statutum 
et  ordinacionem  nostram  hujusmodi  non  servaverint,  carere  viribus 
decernentes.  Nulli  ergo,  etc.  hanc  paginam  nostre  voluntatis,  statuti, 
ordinacionis  et  constitutionis  infringere,  etc.  —  Datum  Avinione, 
vin  idus  januarii,  anno  xn.  —  Traditum  et  registratum  vin  idus  februa- 
rii,  anno  xii"  (H.  Monachi). 

Archiv.  du  Vatican,  Reg.  Avign.  261,  f°  258  v".  En  haut, 
à   droite,  x  qui  indiquent  la  taxe  perçue  pour  cette 


h  Var.  idololatrie.  —  i  A2CDP  curantes.  —  j  B  omet  et  eciam  ordinamus.  — 
k  A^CDP  rempUcenl  par   nuUas   iout   le  passage  précédent  depuis    quandiu. 

—  l  A'  P  minime  propterea  ad  solemnitatcm  aliquam  (A^  omet,  voy.  F)  accen- 
dantur, nec  luminaria  quecunque  ibidem  propterea;  CD   n'ont  que  min.  propt. 

—  m  P  concurrent.  —  nA^GDP  ajoutent  aliquociens  saltem  fA*  saltim),  dum 
sermonem  ibidem  fieri  contigerit.  —  o  B  omet;  A-  CDPliguram  seu  representa- 
cionem predictam  non  ostendunt  ut.  —  /)  A  et.  —  g  A*  C  P  sed  lanquam.  — 
r  A»  CDPajoufen/dicti.  —  5P  Eosqui  C?;.  —  tB-Pet.  —  uA*  remp/ace  Tra- 
ditum... XII  par  Expeditum  v.  kalendas  junii,  anno  xii  (R.  de  Valle).  —  Tradi- 
tum et  correctum  ni  kalendas  junii,  anno  xii  (H.  Monachi).  Rtegistratum]. 


36  AUTOUR    DES    ORIGINES 

bulle:  3o  sous  Tournois.  En  marge:  «  Jo.  de  Nea- 
poli  y>  ;  en  marge  du  f"  aSg  r°,  en  grosse  écriture 
d'une  autre  main  :  «  Gorrectum  de  mandate  Jo. 
de  Neapoli  »  (A). 

Paris,  Biblioth.  Nation.,  fonds  latin,  ms.  io4io,  f°  ii3  (B).  Longue  bande  de 
papier  de  la  fin  du  siv^  siècle,  comprenant  les  Append.  F,  G  et  H,  les  deux 
derniers  au  v"  ;  en  tête:  «  Gopia  »;  entre  G  et  H  :  «  XXJ  »  (App.  L).  —  Ibid., 
Collection  de  Champagne,  t.  i8,  f"  70.  Double  exemplaire  d'une  copie  notariée, 
faite  à  Troyes  le  i5  oct.  1626,  d'un  vidimus  exécuté  le  16  juin  1890,  indiction  i3, 
an  12  de  Clément  VII,  «  in  villa  de  Sinemuro  (Semur),  Eddensis  diocesis  »,  sur 
requête  de  Nicolas  Martin,  doyen  de  Lirey,  par  «  Adam  Parvi,  de  Maceyo  super 
Thiliam  »,  notaire,  et  collationné  le  25  juin  suivant,  à  la  requête  de  Nicolas  Mar- 
tin et  d'un  autre  chanoine  (C).  —  Même  Collection,  v.  i54,  f"  i4i-5,  copie  du 
même  vidimus,  confrontée  sur  l'exempl.  des  archives  épiscopales,  à  la  requête 
du  chanoine  Nicolas  Camusat,  secrétaire  de  l'évêque  René  de  Bresley,  le  i5  oct. 
1626  (D).  —  Ibid.,  f"  iSg,  copie  du  xvie  siècle  (E).  —  Piano,  op.  cit.,  t.  II, 
p.  277-81  (P). 


K(=  N) 

6  janvier  iSgo. 

CLEMENs,  episcopuSjServus  servorumDei  <*,  dilectis  filiis  Lingonen.et  ^ 
Eduen.  ac  ''  Cathalaunen.  officialibus,  salutem  et  apostolicam  bene- 
dictionem  '^.  —  Dudum  pro  parte  dilecti  filii  nobilis  viri  Gaufridi, 
dominiloci  de  Lireyo,  Trecensis  diocesis,  nobis  exposito,  quod  nuper 
dilecto  filio  nostro  Petro,  tituli  Sancte  Susanne  presbytère  cardinali, 
pro  parte  ejusdem  Gaufridi  exposito,  quod  olim  genitoripsius  Gaufridi 
zelo  devocionis,  etc.,  ut  in  proxima  precedenti  usque  ibi  prout  in 
nostris  inde  confectis  litteris  plenius  continetur.  Nos  circa  modum 
ostensionis  hujusmodi,  ad  omnem  erroris  et  ydolatrie  materiam  sub- 
movendam,  providere  curantes,  voluimus,  et  apostolica  auctoritate 
statuimus  et  eciam  ordinavimus  quod  quocienscunque  dictam  figuram 
seu  representacionem  ex  tune  populo  ostendi  contingeret,  decanus 
et  capitulum  predicte  et  alie  persone  ecclesiastice  hujusmodi  figu- 
ram seu  representacionem  ostendentes  et  in  hujusmodi  ostensione 
présentes  nullas  solemnitates  facerent  que  fieri  soient  in  reliquiis 
ostendendis,  quodque  propterea  torticia,  facule  seu  candele  minime 
propterea  ad  solemnitatem  aliquam  accenderentur,  nec  lumi- 
naria  quecunque  ibidem  propterea  adhiberentur,  quodque  osten- 
dens   dictam  figuram,  dum  major  ibidem   convenerit  populi  multi- 

a  A  omet    ce  début.  —  b  B  omet.  —    c  B  et.    —  d  A   remplsice   et  ap.  ben. 
par  etc. 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  87 

tudo,  aliquociens  saltim  dum  sermonem  ibidem  lieri  contingerel, 
publiée  populo  predicet  et  dicat  alla  et  inleliigibili  voce,  omni  fraude 
cessante,  quodliguram  seu  representacionem  predictam  non  ostendunl 
ut  verum  sudarium  Domini  nostri  Jhesu  Xpisti,  sed  tanquam  figuram 
seu  representacionem  dicti  sudarii,  quod  fore  dicitur  ejusdem  Domini 
nostri  Jhesu  Xpisti.  Prefatas  litteras  et  earum  elTectum,  si  voluntateni. 
ac  statutum  et  ordinacionem  nostram  hujusmodi  non  servarent,  carere 
viribus  decernentes,  prout  in  aliis  nostris  litteris  plenius  continetur. 
Nos  itaque  cupientes  ut  voiuntas,  ac  statutum  et  ordinacio  nostra 
predicta  inviolabiliter  observentur,  discrecioni  vestre  per  apostolica 
scripta  mandamus  quatinus  vos  vel  duo,  aut  unus  vestrum  per  vos  vel 
aliumseu  alios  voluntatem,  statutum  et  ordinacionem  prefatam,ubiet 
quando  expedirc  vidcritis,  auctoritate  nostra  solemniter  publicantes, 
faciatis  iila  auctoritate  predicta  per  censuram  ecclesiasticam  fîrmiter 
observari,  contradictores  censura  simili,  appellacione  postposita, 
compescendo.  Non  obstante  si  eisdem  decano  et  capitulo  ac  personis 
vel  quibusvis  aliis  communiter  vel  divisim  a  Sede  apostolica  sit  in- 
dultum  quod  interdici,  suspendi  vel  excommunicari  non  possint  per 
litteras  apostolicas  non  facientes  plenam  et  expressam  ac  de  verbo  ad 
verbum  de  indulto  hujusmodi  mencionem.  —  Datum  Avinione,  viii 
idus  januarii,  anno  xii  ^. 

Archives  du  Vatican,    Reg.   Avign.    261,  f"    sâg  v<»  (^1). 
En    haut,  à  droite  :  y  ,soit32SousTournoisdc  taxe  : 

X 

en  marge  :  «  Gorrectumde  mandato  Jo.  de  Xeapoli  v. 
Mêmes    corrections    dans   le  texte   de   la  première 
rédaction  qu'à  la  pièce  précédente. 
Paris,  Bibliot.  Nation,,  fonds  latin,  ms.  10410.  f"  ii3  v» 
(B).  —  Cf.  Piano,  op.  cit.,  t.  II.  p.  286-7. 


L 

l'-'f-i  1  juin  ijgo. 

UxivERSis  Xpisti  tîdelibus  présentes  litteras  inspecturis,  salutem.  etc. 
Dum  precelsa  meritorum  insignia,  quibus  Regina  cclorum,  Virgo 
Dei  genitrix  gloriosa,  sedibus  preclara  sidereis  quasi  stella  matutina 


e  A- Traditum  et  correctum  ui  kalendas  junii.  anno  xii  (H.Monachi)  et  R[egis 
tratum]. 

u.  c.  .  3 


i 


38  AUTOUR    DES    ORIGINES 

prerutilat.  dévote  consideracionis  indagine  perscrutamur,  dum  eciam  <*, 
infra  pectorisarchanarevolvimus  quod  ipsa  utpote  mater  misericordie, 
pietatis  arnica,  generis  humani  consolatrix,  pro  salute  fîdelium,  qui 
delictorum  onere  pregravantur,  sedula  existit  exoratrix  et  pervigil  ad 
Regem,  quem  genuil,  intercedit;  dignum  quinymo  debitum  reputamus 
ut  ecclesias,  ad  sui  honorem  nominis  dedicatas,  graciosis  remissionum 
prosequamur  iinpendiis  etindulgenciarum  muueribus  relevemus.  Cum 
itaque,  sicut  accepimus,  ad  ecclesiam  Béate  Marie  de  Lireyo,  Trecen- 
sis  diocesis,  in  qua,  ut  asseritur,  figura  seu  representacio  sudarii  Domini 
nostri  Jhesu  Xpisti  venerabiliter  conservatur,  causa  devocionis  eciam 
representacionis  hujusmodi  confluât  non  modica  populi  multitude,  nos 
cupientes  ut  ecclesia  ipsa  congruis  honoribus  frequentetur,  et  ut  Xpis- 
tifideles  eo  libencius  causa  devocionis  confluant  ad  eandem,  et  ad  fabri- 
cam  ejusdem  ecclesia  prompcius  manus  porrigant  adjutrices,  quo  ex 
hiis  ibidem  uberius  dono  celestis  gracie  conspexerint  se  refectos,  de 
omnipotentis  Dei  misericordia  et  beatorum  Pétri  et  Pauli  apostolorum 
ejus  aucloritate  confîsi,  omnibus  vere  penitentibus  et  confessis,  qui  in 
Nativitatis,  Gircumcisionis,  Epiphanie,  Resurreccionis,  Ascensionis  et 
Corporis  Domini  nostri  Jhesu  Xpisti,  ac  Penthecostes,  necnon  in  Nati- 
vitatis, Annunciacionis,  Purificacionis  et  Assumpcionis  predicte  béate 
Marie  Virginis,  et  Nativitatis  beati  Johannis  Baptiste,  dictorum  apos- 
tolorum Pelri  et  Pauli,  ac  ipsius  ecclesie  dedicacionis  festivitatibus, 
ac  in  celebritate  Omnium  Sanctorum  et  per  ipsarum  Nativitatis,  Epi- 
phanie, Resurreccionis,  Ascencionis  et  Corporis  Domini,  ac  ipsius 
béate  Marie  Nativitatis  et  Assumpcionis,  ac  Nativitatis  beati  Johannis, 
ac  apostolorum  predictorum  festivitatum  octabas,  et  per  sex  dies  dic- 
tamfestivitatem  Penthecostes  immédiate  sequentes,  prefatam  ecclesiam 
dévote  visitaverint  annuatim,  et  ad  fabricam  ipsius  manus  porrexerint 
adjutrices,  singulis  videlicet  festivitatum  et  celebritatum  unum  annum 
et  quadraginta  dies,  octabarum  vero  et  sex  dierum  predictorum  diebus 
quibus  ecclesiam  ipsam  visitaverint  et  manus  porrexerint  adjutrices, 
ut  prefertur,  quinquaginta  dies  de  injunctis  eis  penitenciis  misericor- 
diterreiaxamus.  Geterum  ut  omnia  etsingula  *,  que  pereosdem  fidèles 
pro  relaxacionis  hujusmodi  gracia  consequenda  ofl'erri  contigerit  vel 


a  La  minute,  d'une  cursive  mal  formée,  porte  par  erreur  ecclesia  :  la  bulle 
dont  il  va  être  question  impose  cette  correction  —  h  Le  scribe  a  renvoyé  ici  à 
une  autre  pièce;  «  Ut  in  illa  pro  capella  de  Valboni  supra  scripta  usque  obti- 
nere  »;  elle  est  au  f"  302  v». 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  89 

donari  in  usus  ad  quos  oblata  vel  donata  fuerint,  intègre  convertan- 
tur,  sub  interminacione  divini  judicii  districtius  inhibemus  ne  quis, 
cujuscunque  status,  condicionis  vel  dignitatis  existât,  quicquam  de 
oblatis  vel  donatis  ipsis  sibi  aliqualhenus  appropriet  vel  usurpet. 
Si  quis  autem  hoc  attemptare  presumpserit,  non  possit  a  reatu 
presumpcionis  hujusmodi  ab  aliquo,  nisi  apud  Sedem  apostolicam, 
ac  satisfaccione  débita  per  eum  de  illis,  que  sibi  appropriaverit, 
realiter  presens  impensa,  nisi  in  mortis  articulo  constitutus,  absolu- 
cionis  beneficium  obtinere  ".  Datum  Avinione,  kalendis  junii,  anno 
duodecimo.  Expeditum,  ni  idus  junii,  anno  xnV  (R.  de  Valle). 

Archives  du  Vatican.  Reg.  Avign.,  261,  foSogv».  En  haut, 
à  droite  :  v  ,  soit   17  sous  Tournois  de  taxe.  A  trau- 
che  :  «  Jo,  de  Neapoli  ». 


M 

(1472/1482). 

Au  Roy  nostre  souverain  seigneur.  Supplient  très  humblement  voz 
povreset  très  humbles  chapelains  et  orateurs  en  Dieu  les  doyen  et 
chapitre  de  Teglise  collégial  Nostre  Dame  de  Lirey,  fondée  en  Touneur 
et  révérence  de  TAnnoncialion  d'icelle  en  la  paroisse  Saint  Jehan  de 
Bonneval  ou  diocèse  de  Troyes,  comme  il  soit  ainsi  que  de  grant 
ancienneté  icelle  église  a  esté  fondée  et  dotée  de  plusieurs  beaulx  droiz, 
rentes  et  revenus,  et  aornée  de  plusieurs  beaulx  précieux  sanctuaires 
et  joyaulx  par  feu  de  bonne  mémoire  messire  Jeuffroy  de  Charny,  che- 
valier, en  son  vivant  seigneur  deSavoisy  et  dudict  Lirey,  entre  lesquelz 
aornemens,  sanctuaires  et  joyaulx  estoit  le  précieux  et  saint  Suaire  de 
Nostre  Seigneur  Jhesu  Crist  ou  representacion  d'icellui,  dont  ladictc 
église  estoit  moult  décorée  et  valoit  plus  à  icelle  église  les  olFrandes, 
aulmosnes  et  oblacions  des  affluans  illec  par  devocioa  et  révérence 
dudict  Saint  Suaire  que  le  résidu  des  autres  sanctuaires  ne  autres  fon- 
dacions  ;  mais,  au  moyen  des  guerres  et  divisions  de  ce  royaume  ayans 
cours  environ  cinquante  ans  a,  lesdictes  rentes  et  revenus  appartenans 
à  ladicte  église  sont  diminuées  en  la  plupart;  etmesmement  pour  et  en 
espérance  de  seurté  furent  lesdicts  sanctuaires  mis  es  mains  de  feu 
messire  Humbert,  conte  de  la  Roche,  seigneur  de  Villersexel  et  dudict 

(■  Le  texte  du  f°  309  v»  reprend  ici. 


\ 


4o  AUTOUR    DES    ORIGINES 

Lirey,  lequel  les  prind  en  garde,  et  par  sa  cédule  s'obliga  lui  et  ses 
ayans  cause  rendre  et  restituer  ausdicts  doyen  et  chapitre  lesdicts  sanc- 
tuaires après  les  (ribulacions  de  guerre  cessées;  et  il  soit  ainsi  que 
depuis  ledict  feu  messire  Humbert  est  aie  de  vie  a  trespas,  délaissant 
feue  madame  Marguerite  de  Charny,  lors  contesse  de  la  Roche  et  dame 
dudict  Lirey,  vefve  de  luy,  laquelle  de  Charny  fut  sommée  et  requise 
par  lesdicts  supplians  de  la  restitucion  d'icellui  sanctuaire  et  joyaulx  ; 
et,  parce  que  de  prime  face  elle  fut  refusante  d'iceulx  restituer,  a  esté 
mise  en  procès  par  devant  le  parlement  de  Dole,  dont  elle  estoit  sub- 
jecte,  et  par  sentence  deffinitive  ou  arrest  a  esté  condempnée  envers 
iceulx  supplians  de  leur  rendre  et  restituer  tous  lesdicts  joyaulx  et 
sanctuaires,  ce  qu'elle  fist,  excepté  ledict  et  précieux  Suaire  de  Nostre 
Seigneur  Jhesu  Grist,  lequel  Suaire  [elle]  ne  veult  rendre  promptement; 
mais  s'obliga  de  icelluy  Saint  Suaire  rendre  et  restituer  ausdicts  sup- 
plians et  en  ladicte  église  dudict  Lirey  à  ses  propres  despens  dedans  le 
jour  de  feste  Saint  Symon  et  Saint  Jude  second  an  ensuivant,  qui  fut 
Tan  mil  IIIIc  XLIX,  et  de  ce  passa  lettres  d'obligacion  soulz  le  scel  de 
la  court  de  Bezancon  le  mardi  xviii''  jour  du  mois  de  juillet  après  heure 
déprime,  Tan  de  Nostre  Seigneur  courant  mil  IIII^  XLVII,es  mains 
de  Estienne  Pexel,  lors  notaire  juré  en  ladicte  court,  es  présences  de 
plusieurs  ;  et  par  icelle  obligacion  soubzmist  etypothequa  à  toutes  juris- 
dictions  ses  biens  quelconques  et  les  biens  de  ses  hers  et  ayans  cause 
lors  presens  et  advenir,  ce  qu'elle  n'a  pas  fait;  et  à  ceste  cause  a  esté 
mise  en    procès  par  lesdicts  supplians  en  la  court  ecclésiastique  de 
Besancon^  et  tant  y  a  esté  pusny  qu'elle  est  encourue  en  sentence  d'in- 
terdit et  excommeniement  ;  mais  non  obstant  ces  choses  ladicte  dame 
Marguerite  de  Charny  aliéna  ledict  Saint  Suaire  et  le  mist  es  mains  de 
feu  bonne  mémoire  en  son  vivant  très  hault  et  puissant  prince  monsei- 
gneur Loys  duc  de  Savoye,  père  immédiat  de  feu  bonne  mémoire  mon- 
seigneur le  duc  derreniertrespassé,  cui  Dieu  absoille,  et  de  très  haulte 
et  puissante  princesse  la  Royne  vostre  espose;  par  devers  lequel  feu 
monseigneur  Loys,  lui  estant  à  Paris  l'an  mil  IIII«  LXIIII,  lesdicts 
supplians  se  tirèrent  et  l'advertirent  et  informèrent  de  ce  que  dit  est, 
en  luy  requérant  restitucion  dudict  Saint  Suaire,  en  luy  remonstrant 
l'inconvénient  que  lui  povoit  advenir  de   la  détencion  d'icelluy,   en 
regard  que  icelluy  Saint  Suaire  est  chose  sacrée  et  dédiée  à  Dieu  et  à 
ladicte  église  de  Nostre  Dame  de  Lirey,  et  que  parl'aliénacion  d'icelluy 
la  devocion  que  le  peuple  avoit  au  lieu  estoit  fort  diminuée,  et  par 
laps  de  temps  se  poroit  discontinuer  et  diminuer  le  service  divin,  ou 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  4' 

granL  préjudice  d'icelle  église,  pourquoy  ledict  feu  monseigneur Loys, 
meu  de  bonne  devocion  voluntaire,  désirant  rendre  et  restituera  ladicte 
église  ledict  sanctuaire,  et  aussi  le  service  divin  estre  augmenté  en 
ladicte  église  et  participer  en  icelluy,  par  meure  délibéracion  de  conseil 
en  récompensacion  d'icelluy  joyal  et  sanctuaire,  duquel  il  ne  povoit 
lors  fère  prompte  restitucionsans  encorir  ingratitude,  fonda  et  dota 
ladicte  église  de  Nostre  Dame  de  Lirey  en  nouvelle  fondacion  de  la 
somme  de  l.  frans  d'or  papaulx,  monnoye  de  Savoye,  jusquesà  ce  qu'il 
leur  eust  rendu  ledict  Saint  Suaire,  iceulx  l.  frans  à  prendre  chascun 
an  sur  les  revenus  et  émolumens  de  sa  terre  et  seigneurie  deChas[teau 
Gaillard],  près  de  Geneuve,  à  la  charge  de  dire  et  célébrer  chascun 
mois  durant  sa  vie  une  messe  haulte  du  Saint  Esprit  au  grant  autel  de 
ladicte  église,  et,  après  son  décès,  une  messe  des  trespassez  avec  les 
collectes  à  ce  deues  et  accoustumées  chascun  mois  ensuivant(?),  ce  que 
lesdicts  supplians  promistrent  fère  et  accomplir;  et  ledict  feu  monsei- 
gneur Loys  obliga  et  ypothéqua  ladicte  terre  et  seigneurie  dudict  Chas- 
teau  Gaillard  et  les  revenus  des  appartenances  d'icelle  lors  presens  et 
advenir  à  paier  à  ladicte  église  ladicte  somme  de  i..  frans  d'or  chascun 
an  au  jour  et  terme  de  feste  Saint  Andi'y,  dont  le  premier  terme  fut 
audict  jour  de  feste  Saint  Andry  mil  IIII'"  LXV;  et  peu  de  temps  après 
et  avant  que  lesdicts  [supplians]  aient  aucune  chose  prins,  levé  ou 
perceu  desdits  l.  frans  d'or,  ledict  feu  monseigneur  Loys  ala  de  vie  à 
trespas,  et  par  ainsi,  néanmoins  toutes  poursuites  et  diligences  faictes 
par  lesdicts  supplians,  aux  grans  fraiz  et  coustz  de  ladicte  égli[se  de] 
Lirey,  iceulx  supplians  n'ont  peu  recouvrer  ne  avoir  ledict  Saint  Suaire, 
ne  aussi  recevoir  aucuns  deniers  desdicts  l.  frans  d'or  de  nouvelle  fon- 
dacion, tant  par  la  mort  intervenue  en  la  personne  dudict  feu  monsei- 
gneur Loys,  comme  dit  est,  comme  parce  que  les  guerres  ont  eu  pièca 
cours  en  ce  royaume  et  de  présent  ont  cours  ou  pays  de  Savoye,  obstant 
lesquelles  lesdicts  supplians  ne  se  sont  osé  adventurer  d'aler  ou  envoier 
oupaïs  de  Savoye  ;  et  si  ont  néanlmoiiis  iceulx  supplians  lousjours  entre- 
tenu et  de  jour  en  jour  entretiennent  le  divin  service,  c'est  assavoir 
les  heures  canoniales  du  jour,  haulte  messe  et  autres  suffrages  acous- 
tumez,  ja  soit  que,  au  moyen  des  poursuites,  frai/,  et  despens  soustenuz 
par  lesdicts  supplians  au  moyen  des  choses  dessus  dictes,  les  revenus 
d'icelle  église  sont  tellement  diminuées  qu'elles  ne  soroienl  entretenir 
ne  rendre  la  vie  honestement  aux  chanoines  d'icelle  s'ils  ne  Irouvoient 
ou  avoient  autre  provision  ou  manière  de  vivre,  et  pour  cause  sont  et 
demeurent   lesdicts  supplians  deceuz,  defraudez   et  frustrez  d'icellui 


42  AUTOUR  DES    ORIGINES 

Saint  Suaire,  ou  grant  grief,  préjudice  et  dommage  d'icelle  église, des- 
dicts  su[pplians]  et  de  leurs  successeurs;  que,  ces  choses  considérées, 
il  vous  plaise,  très  cher  seigneur,  en  faveur  de  la  Vierge  Marie,  donner 
et  confier  par  manière  de  provision  à  ladicte  église  Nostre  Dame  de 
Lirey  etausdicts  supplians  seulement  la  revenue  delà  terre  dudictLirey, 
qui  est  le  lieu  de  la  fondacion  d'icelle  église,  et  autres  revenues  assises 
en  vostre  conté  de  Champaigne,  qui  jadis  furent  et  appartindrent  à  la- 
dicte feue  madame  Marguerite  de  Gharny  et  desquelles  elle  estoitdame 
propriétaire,  possesseresse  et  détenteresse  au  jour  et  heure  de  son  très- 
pas;  lesquelles  on  puet  extimer  par  an  xxx.  livres  Tournois  au  plus,  jus- 
ques  à  ce  que  iceulx  supplians  puissent  avoir  pleine  restitucion  dudict 
Saint  Suaire  ou  paiement  desdicts  l,  frans  d'or  ainsi  fondez  par  ledict 
feu  monseigneur  Loys  et  des  arréraiges  qui  en  sont  deuz  ;  en  regard  que 
à  la  culpe  d'icelle  feue  dame  Marguerite  de  Gharny  et  par  sa  faulte 
ledict  Saint  Suaire  a  esté  ainsi  retenu  et  aliéné  en  des  tels  mains  que 
d'icelluy  n'ont  peu  lesdicts  supplians  avoir  aucune  reconnoissance,  et 
si  avoit  et  a  obligé  tous  ses  biens  meubles  et  immeubles  lors  présens  et 
advenir,  acquestez  et  à  acquester,  pourestre  contrainte  à  la  reddicion 
d'icelluy,  car  sans  vostre  bonne  provision  et  ayde  lesdicts  supplians  ne 
poroient  plus  poursuir  ne  quereler  ledict  Saint  Suaire  par  procès  ne 
autrement,  obstantlapovreté  de  ladicte  église;  et  lesdicts  supplians  vous 
tendront  et  advoueront  comme  fondateur  d'icelle  église,  et  se  soubzmec- 
tront  pour  eulx  et  leurs  successeurs  dire  et  célébrer  par  chascun  mois 
une  messe  de  Nostre  Dame  haulte  au  grant  autel  [d'icelle]  église  pour  et 

en  faveur  de  vostre  devocion;  et ,....  tant  en  gênerai  comme  en 

particulier  ilz  prieront  Dieu  pour  vous  et  pour  vostre  très  noble  lignée. 

Archives  départementales  de  l'Aube,  fonds  de  Lirey, 
9  G.  I.  Copie  conforme  de  l'archiviste,  M.  J.  J.  Ver- 
nier  (du  22  août  1901),  communiquée  par  M.  Albert 
Metzger,  de  l'académie  de  Savoie. 


N 

Ci472/'482). 

LOYS,  etc.,  aux  bailliz  de  Sens,  Troyes,  Ghaulmont  ou  leurs  lieuxte- 
nants,  et  à  chascun  d'eulx,  si  comme  à  luy  appartiendra,  salut. 
Receu  avons  l'umble  supplicacion  de  noz  bien  amez  les  doyen  et  cha- 
pitre de  l'église  collégiale  Nostre  Dame  de  Lirey,  fondée  en  l'onneur 
et  révérence  de  l'Annonciacion  d'icelle,  assavoir  en  la  paroisse  de 
Saint  Jehan  de   Bonneval,  ou   diocèse   de  Troyes,  contenant  que  de 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  4^ 

grant  ancienneté  icelle  église  a  esté  fondée  et  dotée  de  plusieurs 
beaulx  droiz,  rentes  et  revenus,  et  aornée  de  plusieurs  beaulx 
précieux  sanctuaires  et  joyaulx  par  feu  Joiïroy  de  Charny,  chevalier, 
en  son  vivant  seigneur  de  Savoisy  et  dudict  Lirey,  entre  lesquelz 
sanctuaires  estoit  le  précieux  et  saint  Suaire  de  Nostre  Seigneur  Jeshu 
Grist  ou  representacion  d'icellui,  dont  ladicte  église  estoit  moult  déco- 
rée ;  et  valoient  plus  à  icelle  église  les  offrandes,  aulmosnes  et  obla- 
cions  des  aflluans  illec  par  devocion  et  révérence  d'icellui  saint  Suaire 
que  le  résidu  des  autres  sanctuaires  ne  autre  fondacion  ;  mais  au 
moyen  des  guerres  et  divisions  de  ce  royaume  ayans  cours  environ 
cinquante  ans  a,  lesdictes  rentes  et  revenus  appartenant  à  ladicte 
église  sont  diminuées  en  la  plupart  ;  et  mesmement  pour  et  en  espé- 
rance de  seurté  [furent]  lesdicts  sanctuaires  mis  es  mains  de  feu 
Humbert,  en  son  vivant  conte  de  la  Roche,  seigneur  de  Villersexel  et 
dudict  Lirey,  lequel  les  prind  en  garde  et  par  sa  cédule  s'obliga  luy  et 
ses  ayans  cause  rendre  et  restituer  ausdicts  doyen  et  chapitre  lesdicts 
sanctuaires  après  les  tribulacions  de  guerre  cessées  ;  et  il  soit  ainsi  que 
depuis  ledict  feu  Ilumbert  est  aie  de  vie  à  trespas,  délaissant  feue 
dame  Marguerite  de  Charny,  lors  contesse  de  la  Roche  et  dame  dudict 
Lirey,  vefve  de  luy,  héritière  immédiat  du  fondateur  d'icelle  église, 
chargée  de  la  garde  desdicls  sanctuaires,  laquelle  de  Charny  fut 
sommée  et  requise  par  lesdicts  supplians  de  la  restitucion  d'icelluy 
(sic)  sanctuaire  et  joyaulx  ;  et,  parce  que  de  prime  face  elle  fut  refTu- 
[sante]  d'iceulx  restituer,  a  esté  mise  en  procès  par  devant  le  parle- 
ment de  Dole,  dont  elle  estoit  subgecte,  et,  par  sentence  définitive  ou 
arrest,  a  esté  condempnée  envers  iceulx  supplians  de  leur  rendre  cl 
restituer  tous  lesdicts  joyaulx  et  sanctuaires,  ce  quelle  fist,  excepté 
ledict  saint  et  précieux  Suaire  de  Nostre  Seigneur  Jhesu  Crist,  lequel 
Suaire  elle  ne  veult  rendre  promptement,  mais  s'obliga  de  icellui  saint 
Suaire  rendre  et  restituer  ausdicts  supplians  en  ladicte  église  dudict 
Lirey  à  ses  propres  despens  dedans  le  jour  de  feste  Saint  Symon  et 
Saint  Jude  second  an  ensuivant,  qui  fut  l'an  mil  CCCCXLIX,  et  de  ce 
passa  lettres  d'obligacion  soubz  le  seel  de  la  court  de  Bezançon  le 
mardi  xvni®  jour  du  mois  de  juillet  après  heure  de  prime,  l'an  de 
Nostre  Seigneur  courant  mil  IIIIcXLVII,cs  mains  de  Eslienne[Pexel], 
lors  notaire  juré  en  ladite  court,  es  présences  [de]  plusieurs;  et  par 
icelle  obligacion  soubzmist  et  ypothéqua  à  toutes  juridictions  tous  ses 
biens  quelconques  et  les  biens  de  ses  hers  et  ayans  cause  lors  pre- 
sens  et  avenir,  ce  qu'elle  n'a  paa  fait  :  et  à  ceste  cause  a  esté  mise  en 


44  AUTOUR    DES    ORIGINES 

procès  par  lesdicts  supplians  en  la  court  ecclésiastique  dudit  Bezan- 
çon,  et  tant  y  a  esté  pusny  qu'elle  est  encourue  en  sentence  d'interdit 
et  d'excommeniement  ;  mais  non  obstant  ces  choses,  ladicte  Margue- 
rite de  Gharny  aliéna  ledict  saint  Suaire  et  le  mist  es  mains  de  feu 
Loys,  duc  de  Savoye,  père  immédiat  de  feu  duc  derrenier  trespassé,  cui 
Dieu  pardoint,  et  de  nostre  très  amée  femme  et  espose  la  Royne  ;  par 
devers  lequel  feu  Loys,  luy  estant  à  Paris  l'an  mil  IIIIc  LXIIII,  les- 
dicts supplians  se  tirèrent  et  Tadvertirent  et  informèrent  de  ce  qui  dit 
est,  en  luy  requérant  restitucion  dudict  saint  Suaire,  en  luy  remons- 
trant  l'inconvénient  qui  ly  povoit  advenir  de  la  détencion  d'icelluy, 
en  regard  que  icelluy  saint  Suaire  est  chose  sacrée  et  dédiée 
à  Dieu  et  à  la  dicte  église  de  Nostre  Dame  de  Lirey,  et  que,  par  l'alié- 
nacion  d'icelluy,  la  devocion  que  le  peuple  avoit  audict  lieu  de  Nostre 
Dame  de  Lirey  estoit  fort  diminuée,  et  par  laps  de  temps  se  porroit 
discontinuer  et  diminuer  le  service  divin,  ou  grant  préjudice  d'icelle 
église  ;  pour  quoy  ledict  feu  Loys,  meu  de  bonne  devocion  voluntaire, 
désirant  rendre  et  restituer  à  ladicte  église  ledict  saint  Suaire  et  le 
service  divin  [estre]  augmenté  en  ladicte  église,  et  participer  en 
icelluy,  par  meure  déliberacion  de  conseil,  en  récompensacion 
d'icelluy  joyal  et  sanctuaire,  duquel  il  ne  povoit  fère  lors  prompte  res- 
titucion, fonda  et  dota  ladicte  église  de  Nostre  Dame  de  Lirey  en 
novelle  fondacion  de  la  somme  de  l.  francs  d'or  papaulx,  monnoye  de 
Savoye,  jusques  à  ce  qu'il  leur  eust  rendu  ledict  saint  Suaire,  à  pren- 
dre chascun  an  iceulx  l.  francs  sur  les  revenues  et  émolumens  de  sa 
terre  et  seigneurie  de  Chasteau  Gaillard  près  de  Geneuve,  à  la  charge 
de  dire  et  célébrer  chascun  mois  durant  sa  vie  une  messe  haulte  du 
Saint  Esperit  au  grant  autel  et,  après  son  décès,  une  messe  des  tres- 
passez  chascun  mois  ensuivans  (?),  ce  que  lesdicts  supplians  promis- 
trent  fère  et  accomplir  ;  et  ledict  feu  Loys  obliga  et  ypothéqua  ladicte 
terre  et  seigneurie  de  Chasteau  Gaillard  et  les  revenus  et  apparte- 
nances d'icelle  lors  présens  et  advenir  à  paier  à  ladicte  église  ladicte 
somme  de  l.  francs  d'or  chascun  an  au  jour  et  terme  de  feste  Saint 
Andry,  dont  le  premier  terme  fut  audict  jour  de  feste  Saint  Andry 
mil  llllc  LXV  ;  et  peu  de  temps  après  et  avant  que  lesdicts  supplians 
aient  aucune  chose  prins,  levé  et  perceu  desdicts  l.  francs  d'or, 
ledict  feu  Loys  ala  de  vie  à  trespas,  et  par  ainsi,  néantmoins  toutes 
poursuites  et  diligences  faictes  par  lesdicts  supplians  aux  grans  fraiz 
et  coustes  de  ladicte  église  de  Lirey,  iceulx  supplians  n'ont  peu  rece- 
voir  ne  avoir  ledict  saint  Suaire    ne  aussi  recevoir   aucuns  deniers 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  45 

des[clictsj  l.  Irancs  d'or  de  nouvelle  fondacion,  lanL  par  la  mort 
intervenue  dudict  feu  Loys,  comme  dit  est,  comme  parce  que  les 
guerres  ont  eu  pieça  cours  en  ce  royaume  et  de  présent  ont  cours  ou 
païs  de  Savoye,  obstant  lesdicts  supplians  ne  se  sont  osé  advanturer 
d'aler  ou  envoyer  oudict  païs  de  Savoye  ;  et  si  ont  néantmoins  iceulx 
supplians  entretenu  et  continué  et  de  jour  en  jour  entretiennent  et 
continuent  le  divin  service,  est  assavoir  les  heures  canoniales,  messes 
et  autres  suffra^^es  acoustumez  ;  ja  soit  que,  au  moyen  des  poursuites, 
fraiz  et  despens  soustenuz  par  lesdicts  supplians  à  cause  des  choses 
dessus  dictes,  les  revenues  d'icelle  église  soient  telement  diminuées 
qu'elles  ne  soroient  entretenir  et  rendre  la  vie  honeste  aux  chanfoinesl 
dicelle  s'ilz  ne  trouvoient  ou  avoient  autre  provision  ou  manière  de 
vivre;  et  par  ainsi  sont  et  demeurent  lesdicts  supplians  deceuz, 
defraudez  et  frustrez  d'icelluy  saint  Suaire,  qui  est  ou  grant  grief,  pré- 
judice et  dommage  de  ladicte  église,  desdicts  supplians  et  de  leurs 
successeurs  en  icelle,  et  pl[us]  porroit  estre  se  par  nous  ne  leur  estoit 
pourveu  de  nos  gracieux  remède  et  provision  convenable,  si  comme 
ilz  dicnt,  en  nous  requérant  humblement  iceulx  supplians  que,  attendu 
les  choses    dessus  dictes  et  que  par  la  faulte  et  culpe  d'icelle  feue 

Marguerite  de  Gharny  icelluy  saintSuaire  a  esté  retenu,  aliéné,  et , 

et  aussi  que  ladicte  Marguerite  avoit  obligé  et  ypothéqué  tous  ses 
biens  de  leur   en  faire   restitucion ,.     (La  fin  manf/ue.) 

Mêmes  arcliives  eL  provenance. 


0 

23  avril  i533. 

DiLECTO  filio  Ludovico,  tituli  Sancti  Cœsarei  presbytère  cardinali, 
nostro  et  Apostolica3  Sedis  de  latere  legato.  —  Dilecte  fdi,  salu- 
tem,  etc.  Accepimus  quod  alias  ecclesia  capellanata"*  nuncupata  caslri 
Chamberiaci,  Gratianopolitan.  diocesis,  in  qua  pannum,  Syndon  nun- 
cupatum  Salvatoris  nostri  Jhesu  Christi,  ut  piè  creditur,  erat  recon- 
ditum,  incendio  accensa,  pannum  praîdictum  quadam  céleri  occursione 
ex  incendio  hujusmodi,  divina  coopérante  gratia.  extitit  sublevalum. 
Cupientcs  itaque  omnibus  Ghristifidelibus,  qui  forsan  pulanl  pannum 
hujusmodi  in  incendio  prasdicto  omnino  fuisse  consumptum.illius  pra'- 

=>  Le  texte  porte  capella'-';  i7  fmit  lire  capella  sancta. 


46  AUTOUR   DES    ORIGINES 

servationem,  si  [omnino  vera]  sit,  innotescere,  ne  ipsorum  Ghristifide- 
lium  devotio  tepescat  ;  circumspectioni  tuae  per  prsesentes  commit- 
timus,  ut  depraemissis  te  diligenter  informes  et  si  pannum  prœdictum 
ab  hoc  incendie  prfeservatuni  repereris,  id  in  loco  ad  hoc  congruenti 
et  honesto  recondi,  et  cum  débita  veneratione  teneri  et  custodiri  ;  et  si 
forte  ipsum  pannum  ex  hujusmodi  incendio  aliquam  lœsionem  passum 
fuerit,  id  ab  aliquibus  religiosis  mulieribus  arbitrio  tuo  eligendis  resar- 
cirifacias;  super  quibus  omnibus  plenam  eidem  circumspectioni  tua; 
per  praesentes  concedimus  facultatem.  Non  obstantibus  constitutio- 
nibus  et  ordinationibus  apostolicis  cœterisque  contrariis  quibus- 
cumque.  Datum  Roma?,  etc.  die  a3  aprilis  i533,  anno  x. 

Archiv.  du  Vatican,  armar,  3g,  t.  53,  brève  177,  p.  574-5 
(copie  de  Contelori  en  1641),  Voir  appendice  Q. 


LE  quinsieme  d'avril  de  Tannée  mille  cinq  cent  trante  quatre,  le  Sere- 
nissime  duc  de  Savoye,  et  monseigneur  le  Légat,  nous  envoyèrent 
devant  vespre,  messire  Vesperis,  thrésorier  de  la  Sainte-Chapelle, 
accompagné  de  quelques  autres  chanoines,  pour  nous  avertir  de  nous 
tenir  prettes  à  recevoir  le  très  Saint  Suaire  qu'on  nous  devoit  appor- 
ter, pour  le  racommoder  aux  endroits  où  le  feû  l'avoit  brûlé. 

La  Révérande  mère  abbesse,  nommé  Louise  De  Jargin,  aprais  les 
avoir  remercié,  leurs  lit  réponce  pour  toutes  la  communauté,  que 
nous  étions  prêtes  d'obéir  aux  ordres  de  Son  Altesse  et  du  Légat, 
quoi  que  nous  fussions  indignes  d'être  employez  à  une  action  si  sainte 
que  celle  la.  Gepandant  on  orna  le  cœur  le  mieux  qu'on  peut  où 
praais  vespres,  on  apporta  la  table  où  sur  laquelle  on  avoit  coutume 
de  déployer  cette  sainte  relique.  Le  landemain,  sur  les  huits  hœures 
du  matin,  on  fit  une  procession  generalle  pendant  que  toutes  les 
cloches  sonnoient,  en  la  quelle  M""  le  Légat  portoit  le  saint  Suaire, 
suivi  de  son  Altesse,  et  de  monseigneur  l'évêque  de  Bellay,  et  de 
M'' le  Suffragant;  outre  le  notaire  apostolique,  et  plusieurs  chan- 
noines  et  eclesiastique,  et  la  praincipale  noblesse  du  payis;  aprais 
l'avoir  reposée  quelques  tamps  sur  le  grand  autel  de  notre  église,  ils 
le  portèrent  dans  le  cœur  sur  la  table  qu'il  avoit  dressé  pour  l'etandre. 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  ^'J 

Nous  le  reçûmes  en  procession,  les  cierges  allumés;  on  le  déploya  sur 
la  table  pour  reconnoitre  les  androits  où  ils  devoit  être  racommodé;  et 
pour  lors  M""  le  Légat  demanda  à  tous  les  comtes  et  barons,  qui  étoit 
présant  si  ce  n'étoit  pas  le  même  Suaire  qu'il  avoit  vëus  autres  fois. 
Lesques  aprais  l'avoir  diligenment  examiné  d'un  costé  et  d'autre, 
témoignèrent  que  c'etoit  le  même;  dont  les  notaires  appostolique  pri- 
rent acte,  pendant  que  ceux  la  firent  place  a  d'autres  gentils  hommes, 
eclesiastique  et  prélats,  qui  furent  de  même  interogés;  aprais  cela 
M""  le  Légat  dit  à  notre  Révérande  mère  de  choisir  quelques  unes  de  ces 
religieuses  pour  le  racommoder.  Elle  s'offrit,  avec  trois  autres  quelle 
nomma,  pour  ij  travailler;  puis  elle  donnèrent  toutes  quatres  leurs 
noms  au  notaire  en  presance  de  toutes  la  noblesse.  M""  le  Légat  ful- 
minât excommunication  majeure  contre  ceux  [quille  toucheroient, ors 
les  quatres  choisies,  Aprais  cela  le  prédicateur  ordinaire  de  Son  Altesse 
lit  un  beau  sermon  du  Saint  Suaire  devant  la  grille  du  cœur,  laquelle 
étoit  toute  ouverte,  le  prédicateur  étoit  tourné  du  costé  du  peuples, 
et  sur  la  fain  du  discours  ils  leût  le  bref  apostolique  que  Sa  Sainteté 
avoit  envoyé  à  son  Altesse,  parle  quel  ils  permettoit  aux  pauvres  filles 
de  l'Observance  de  Sainte  Glaire  dans  la  ville  de  Ghamberi  de  l'ajuster; 
la  foule  du  peuples  qui  etoit  accourue  pour  voir  cette  précieuse  reli- 
que étoit  si  grande  qu'a  paine  pouvoit-on  se  tourner;  aprais  la  lecture 
du  bref.  M""  le  Légat  nous  recommanda  d'en  avoir  un  soin  très  exact, 
et  de  prier  Dieu  qu'il  nous  fits  la  grâce  de  faire  cette  sainte  action 
selon  sa  sainte  volonté  ;  et  nous  ayant  fait  dire  le  Confileor  ils  nous 
donna  à  toutes  l'absolution  ;  et  ils  se  retirèrent  tous,  à  la  reserve  de 
M""  le  trésorier  et  de  M""  le  channoine  Lembest,  à  qui  son  Altesse  avoit 
particulièrement  donné  le  soins  du  Saint  Suaire;  l'aprais  diné  le  bro- 
deur apporta  le  bois  du  toillier  pour  serrer  la  toille  d'Holande  sur  la 
quelle  on  devoit  mettre  le  Saint  Suaire  ;  aprais  les  deux  heures  que  la 
toille  fut  arrêté  sur  le  toillier  et  sur  les  trefour,  nous  Tetandimes  sur 
le  précieux  Saint  Suaire,  et  nous  le  cousime  tour  à  tour  à  faufiUet  ;  son 
Altesse  vien  avec  le  Légat,  et  plusieurs  prélats,  channoine  et  gentil 
hommes  avant  que  nous  eusions  commancé  de  mettre  les  piees  des 
corpaureaux  aux  endroits  ou  le  fèu  l'avoit  gâté,  ils  nous  demanda  notre 
sentiment  touchant  cette  relique,  mais  nous  suivîmes  tous  les  siens 
par  ce  qu'il  nous  sembloit  le  plus  raisonnable;  ils  ij  avoit  un  si  grand 
abort  de  monde  a  notre  grille  pandant  qu'on  travailloit  qu'on  ne  pou- 
voit  pas  beaucoup  faire  ;  ce  qui  obliga  M''  Audinet,  maître  d'hôtel  de 
son  Altesse,  de  prier  le  channoi[n]e  Lambest  de  sortir  souvant  pour  les 


48  AUTOUR    DES    ORIGINES 

faire  retirer  ;  outres  les  gardes  qu'on  avoit  misses  pour  empescher  les 
désordres,  son  Altesse  ayant  aprisse  qu'il  ly  avoit  si  grande  affluence  de 
peuples  qu'il  n'y  avoit  point  de  jours  qu'on  n'i  vit  plus  de  mille  pers- 
sonnes;  ce  qui  l'obligatde  prandre  la  clef  de  la  grille,  la  quelle  néan- 
moins ils  redonnoit  souvant  à  son  maître  d'hautel  pour  satisfaire  le 
saint  désir  d'un  grand  nombres  de  pèlerins  qui  venoit  de  Rome  et  de 
Jérusalem  et  de  plusieurs  autres  payis  éloignée  ;  on  leurs  montroit  le 
Saint  Suaire,  avec  plusieurs  cierges  allumée.  Pandant  que  nous  chan- 
tions à  genoûil  le  peuples  crioit  a  haute  voix  miséricorde,  avec  des  sen- 
timents de  dévotion  qui  ne  se  pouvoit  pas  exprimer  ;  et  ils  sen  retournoit 
extrememant  consolée,  disant  que  c'etoit  veritablemantle  même  qu'il 
avoit  vëu  autres  fois.  Des  le  premier  jour  qu'on  nous  l'apportât,  qui 
se  Irouvale  jeudy  seissieme  avril,  on  nous  envoyatsur  les  sept  à  huits 
heures  du  soir  plussieurs  gentils-hommes,  lesquels  aprais  avoir  salués  la 
Reverande  mère  et  toute  la  communauté,  luis  dirent  qu'il  avoit  ordre 
de  poser  des  gardes  devant  notre  grille  pour  veiller  pandant  la  nuit, 
devant  le  Saint  Suaire  ;  et  que  quoi  que  son  Altesse  se  fiât  a  nous,  il  le 
faisoit  pour  le  respects  qui  etoit  deu  à  ce  sacré  gage  de  notre  Sauveur 
et  pour  éviter  toutes  sortes  d'accident.  Etant  venu  un  grand  nombres 
d'étranger  pour  le  voir,  ils  s'acquiterent  de  leurs  commission  et  firent 
ouvrir  le  drap  delà  grille. M'' le  sindic  amena  ausidesperssonnes  d'hon- 
neur pour  veiller  demême;  nous  tenions  cepandant  toujour  un  grand 
cierge  allumée  dans  un  bassin  devant  la  Relique,  où  assistoint  toujour 
quatres  des  gardes,  tenant  des  cierges  allumée  (bis),  se  sucedant  les 
unes  aux  autres  avec  une  si  grande  modesties  qu'il  sembloit  plutôt  à 
des  novices  d'une  Religion  bien  reformé  qu'a  des  séculiers;  notre 
mère  vicaire  les  remerciât  de  ce  qu'il  ne  nousdonnoit  aucun  empeche- 
mant;  à  la  quelle  ils  repondirent  que  son  Altesse  l'avoit  ainsi  ordonné; 
ils  nous  pressèrent  à  diversse  fois  de  nous  aller  un  peu  reposer,  a  la 
reserve  de  trois  ou  quatres  qui  pourroit  veiller  autour  de  ce  sacré 
dépôts,  mais  nous  ne  pouvions  pas  nous  en  séparer  et  nous  avions 
obtenu  permission  de  notre  Révérande  mère  d'i  demeurer  tant  que 
nous  voudrions  ;  si  quelques  unes  se  retiroit  sur  les  dix  ou  onze  heures, 
elle  se  levoit  à  minuit,  et  assistoit  toutes  à  matines,  les  autres  alloient 
seullemant  reposer  de  deux  à  quatres,  et  même  plusieurs  veilloienl 
toute  la  nuit,  avec  une  satisfaction  inconcevable;  tous  nos  entretiens 
etoient  avec  Dieu,  nous  repassions  la  vues  sur  toutes  les  playes  san- 
glantes de  son  corps  sacré  dont  les  vestiges  paraissoit  sur  ce  Saint 
Suaire.  Ils  nous  sembloit  que  l'ouverture  du  sacré  costé  comme  la  plus 


DU    SUAIRK    DE    TURIN  49 

eloquante  du  cœur  nous  disoit  incessanimantces  paroles:  Ovos  omnes 
qnitransiti[s]per  viam,  attendite  et  videte  si  est  dolor  similis  sicul 
dolor  meus.  En  était  nous  voyons  sur  ce  riche  tableau  des  soulFrances 
qui  ne  se  sauroit  jamais  imaginer,  nous  y  vimes  encore  les  traces  dune 
face  toutes  plombé  et  toutes  murtrie  de  coups;  sa  tète  divine  percé  de 
grosses  épines  d'où  sortoit  des  ruiseaux  de  sang,  qui  couloit  sur  sou 
front  et  se  divisoient  en  divers  rameaux,  le  revetoit  de  la  plus  pré- 
cieusse  pourpre  du  monde;  nous  remarquions  sur  le  costé  gauche  du 
front  une  goûte  plus  grosse  que  les  autres  et  plus  longue,  elle  serpente 
en  onde,  les  soulcils  paraissoit  bien  formez;  les  yeux  un  peu  moins;  le 
né  comme  la  partie  la  plus  éminante  du  visage  est  bien  inprimé,  la 
bouche  est  bien  composée;  elle  est  asses  petite,  les  joues  enflées  et 
deligurée  montre  asses  qu'elle  ont  été  frappée  cruellement,  et  particu- 
lièrement la  droite;  la  barbe  n'est  ni  trop  longue,  ni  trop  petite  à  la 
façon  des  Nazaréens;  on  la  voit  rare  en  quelques  endroit,  parce  qu'on 
l'avoit  arraché  en  parties  par  mépris,  et  le  sang  avoit  collé  le  ^reste  ; 
puis  nous  vimes  une  longue  trace  qui  decendoit  sur  le  col,  ce  qui  nous 
fit  croire  qu'il  fut  lié  d'une  chaine  de  fert  en  la  prise  au  jardin  des 
Olliviers;  car  il  se  voit  enflée  en  divers  endroits  comme  ayant  été  tiré 
et  secouée;  les  plombée  et  coups  de  fouets  sont  si  frequant  sur  son 
estomac  et  sur  les  tetins  qu'a  paine  y  peut  on  trouver  une  place  de  la 
grosseur  d'une  pointe  d'épingle  exemte  de  coups  ;  elle  se  croixsoienl 
toutes  et  s'etandoient  tout  le  long  du  corps,  jusqu'à  la  plante  des  pieds  ; 
le  gros  amas  de  sang  marquent  les  ouvertures  des  pieds. 

Du  côstô  de  la  main  gauche,  la  quelle  est  très  bien  marqué  et  croisez 
sur  la  droite,  dont  elle  couvre  la  blessure  ;  les  ouvertures  des  doux 
sont  au  milieu  des  mains  longue  et  belle,  d'où  serpentent  un  ruiseau 
de  sang  depuis  les  côstés  jusque  aux  épaules;  les  bras,  qui  sont  asses 
long  et  beau,  sont  en  telle  disposition  qu'il  laissent  la  viies  entières  du 
ventre  cruelemant  déchiré  de  coups  de  fouets  ;  la  plaije  du  divin  côsté 
paroit  d'une  largeur  suftissante  à  recevoir  trois  doits,  entourrc  d'une 
trace  de  sang  large  de  quatres  doits  ;  s'etréssissant  en  bas  et  longues 
d'environ  demi  pieds  ;  sur  la  seconde  face  de  ce  Saint  Suaire  qui  rcpre- 
sante  le  derrière  du  corp  de  notre  Sauveur,  on  voit  la  nuque  de  la 
teste  percé  de  longues  et  grosses  épines,  qui  sont  si  frequantes  qu'on 
peu  voir  par  laque  la  coronne  etoit  faite  en  chapeau,  et  non  pas  en 
cercles  comme  celles  des  princes  et  telle  que  les  peintres  la  repres- 
santent  ;  lorsqu'on  la  considère  attentivement,  on  voit  la  nuque  plus 
tourmanté  que  le  reste,  et  les  épines  plus  avant   enfoncés,    avec  des 


DO  AUTOUR   DES   ORIGINES 

grosses  gouttes  de  sang  conglutinés  aux  cheveux  qui  sont  tous  san- 
glans  ;  les  traces  de  sang  sous  la  nuque  sont  plus  grosses  et  plus  visi- 
ble que  les  autres,  à  cause  que  les  bâtons  dont  ils  frapoient  la  coronne 
faisoient  entrer  les  épines  jusqu'au  cerveau,  en  sortes  qu'ayant  reçu 
des  blessures  mortelles  c'etoit  un  miracle  qu'il  ne  mouru  pas  sous  les 
coups.  Elles  se  réouvrirent  ausi  par  la  secousse  de  la  croix  lorsqu'on  la 
mit  dans  son  creux,  et  au  paravant  lors  qu'on  le  fit  tomber  sur  la  croix 
pour  l'y  cloiier  ;  les  épaules  sont  antieremant  déchiré  et  moulue  de 
coups  de  fouets  qui  s'étandent  par  tout;  les  gouttes  de  sang  paroisent 
large  comme  des  feuilles  de  marjolaine  ;  en  plusieurs  endroits  ils  l'y  a 
des  grosses  cassures  a  cause  des  coups  qu'on  lui  donna  ;  sur  le  millieu 
du  corps  on  rémarque  les  vestiges  de  la  chaîne  de  fert  qui  le  lioit  si 
étroitement  à  la  collonne  qu'il  paroit  tout  en  sang  ;  la  diversité  des 
coups  fait  voir  qu'il  se  servirent  de  diversses  sortes  de  fouets,  comme 
de  verges  noué  d'ousires,  de  cordes  de  fert,  qui  le  dechiroient  si  cruel- 
lemant  qu'an  regardant  pardessous  le  Suaire,  lors  qu'il  étoit  etandu 
sur  la  toille  d'Holande  ou  toillier,  nous  voyons  les  plaijes  comme  si 
nous  usions  regardé  à  travers  d'une  vitre. 

Toutes  les  sœurs  le  contemplèrent  fort  attentivement  avec  une  con- 
solation qui  ne  se  peu  pas  exprimer,  et  nous  voyons  par  ses  beau  ves- 
tiges comme  véritablement  ils  étoit  le  plus  beau  des  enfants  des  hom- 
mes, conformemant  à  la  prophétie  de  David  qui  l'avoit  prédit  dans  un 
de  ses  pseaumes.  Pendant  les  quinze  jours  que  cette  précieuse  relique 
resta  dans  notre  couvant,  nous  ne  pûmes  trouver  la  commodité  de 
nous  confesser  pour  pouvoir  nous  approcher  du  très  auguste  sacremant 
de  l'autel,  et  recevoir  le  Fils  de  Dieu  pendant  que  nous  avions  devant 
les  yeux  une  partie  de  lui  même  en  son  image  pointe  de  son  propre 
sang;  nous  nous confessame  enfin  au  tournet,  lelundy  et  le  mardy;  et 
le  mercredy  nous  satisfîmes  à  notre  dévotion  ;  ce  jour  la  son  Altesse 
devoit  venir  voir  en  quel  etât  le  Saint  Suaire  etoit,  mais  craignant  de 
nous  déranger,  ils  différa  jusqu'au  lendemain  matin  vers  les  sept  heu- 
res, pour  donner  les  ordres  comme  on  l'enveloperoit  dans  le  talTetat 
viollet;  ce  qu'ayant  été  fait  on  nous  apporta  des  tapisseries,  outres 
celles  que  nous  avions  déjà  ;  et  le  vendredy  on  tendi  tout  le  dedans  et 
le  dehors  ;  et  puis  il  fût  arrecté  que  le  lendemain  on  le  viendroit  pran- 
dre;  ce  jour  la,  messeigneurs  l'évêque  de  Bellay  et  le  sufTragant,  et 
plusieurs  autres  prélats^  et  d'autres  eclesi(s)astiques  et  gentilshommes, 
lesques  regardèrent  ce  que  nous  avions  travaillé,  et  l'agréèrent; 
aprais  ils   se  levèrent  pour   nous   le    faire  voir  ancore  une  fois;  an- 


DU    SUAIRE    DE    TURIN  5l 

suite  ils  le  plièrent  sur  "  le  rouleau  avec  un  voille  de  soye  rouge,  et 
monseigneur  vien  en  procession,  tout  comme  lors  qu'on  nous  Tavoit 
aporté;  jusque  antre  les  deux  portes  du  couvent;  toutes  les  cloches  de 
la  ville  sonnèrent,  outres  les  trompettes,  et  les  autres  sinphonies; 
pour  lors  messeigneurs  les  Evêques  couvrirent  le  Saint  Suaire  avec  un 
drap  d'or,  et  l'emportèrent  et  nous  nous  commancames  toutes  à  chan- 
ter l'himne  Jésus  nostra  redemplio,  nous  avions  toutes  des  cierges 
allumés,  avec  toutes  la  vénérations  possibles;  messeigneurs  les  Evêques 
le  remirent  enfin  à  son  Altesse  qui  les  attendoit  entre  les  deux  portes. 
Ils  fût  porté  au  château  en  grande  solemnité,  et  nous  demeurâmes 
pauvres  orphelines  de  celui  qui  nous  avois  si  benignement  visité  en  sa 
sainte  image. 

*  Ce  qu'on  sait  de  plus  sur  touchant  le  Saint  Suaire  de  Turin,  c'ets 
que  dans  la  décadence  de  l'empire  des  Grecs,  les  princes  François 
s'étant  rendus  maitre  de  Gonstantinople  et  de  l'empire  d'Orient,  cette 
précieuse  relique  comme  tant  d'autres  fut  gardé  dans  cette  ville  impe- 
rialle  jusque  vers  la  fin  du  douzième  siècle,  que  les  empereurs  de  Gon- 
stantinople en  firent  presant,  à  ce  qu'on  croi,  aux  princes  de  la  maison 
de  Lusignanqui  possedoient  le  royaume  de  Chypre.  Jean  III,  dernier 
roi  de  Chypre,  étant  mort  en  i473,  laissa  les  royaumes  de  Chypre,  de 
Jérusalem  et  d'Arménie  à  Charlotte  sa  fille  unique,  qui  fut  coronnée  à 
Nicosie  reine  des  trois  royaumes  eu  i458;  mais  peu  aprais  Jacque,  fils 
naturel  de  Jean  III,  s'étant  révolté,  usurpa  le  Royaume  et  chassa  la 
Reine  de  tous  ses  Etats.  Cette  princesse  se  retira  eu  Savoye,  au  prais 
de  Charle,  duc  de  Savoye,  son  neveu,  puis  étant  allé  à  Rome,  elle  fit 
donnation  de  ses  Royaumes  à  Charles,  duc  de  Savoye  son  neveu,  en 
presance  du  pape  et  de  plusieurs  cardinaux;  Charlotte,  en  se  retirant 
en  Savoye,  avoit  ammenéavec  elle  la  princesse  de  Charny  sa  parente^ 
qui  etoit  dépositaire  du  Saint  Suaire,  qu'elle  apporta  et  quelle  conserva 
comme  par  miracle,  dit  l'istoire;  car  ses  hardes  parmi  les  quelles  se 
trovoit  la  riche  cassette  où  étoit  enfermé  celte  précieuse  relique 
ayant  été  volée,  les  voleurs  ayant  voulu  couper  en  deux  le  Saint  Suaire 
dans  le  partage  qu'il  faisoit  du  vol,  l'un  d'eux  ne  se  fut  pas  plutôt  mis 
en  état  de  le  couper  qn'il  devien  perclus  de  ses  mains,  et  ils  se  sentir 
saisir  en  même  temp   d'une  maladie  mortelle  ;  un  de  ses  compagnons 


D'abord  dans.—  f>  Ce  qui  suit  aiHv  écrit  postérieurement. d'une  autre  plume 
mais  de  la  même  main. 


52  AUTOUR    DES    ORIGINES 

s'étant  emparé  de  ce  drap  sacré,  mis  tout  en  œuvre  pour  effacer 
l'image  du  Sauveur  qui  y  étoit  imprimé,  mais  plus  il  le  lavoit,  et  plus 
la  figure  et  les  couleurs  devenoient  vives;  tant  de  merveilles  touchè- 
rent les  voleurs  qui  s'étant  enfin  convertis,  rendirent  enfin  la  relique 
précieuse. 

On  assure  que  le  duc  et  la  duchesse  de  Savoye  obtinrent  enfin,  aprais 
beaucoup  de  prières,  un  si  précieux  présant  qu'il  déposèrent  dans 
l'église  de  Chambery,  capitale  de  Savoye,  que  le  pape  Paul  II  érigea 
en  collégiale  en  considération  de  cette  sacré  relique  en  1467.  Voilà 
quelle  est  la  première  opinion  touchant  la  déposition  du  Saint  Suaire 
dans  la  capitale  de  Savoye  ;  le  Saint-Suaire  fût  depuis,  à  cause  des 
guerres,  transporté  à  Verceil  jusque  à  ce  que  aprais  26  ans  il  fût 
raporté  à  Chambery  jusque  en  iSyS,  que  le  duc  Emmanuel  Philibert 
apris  que  saint  Charles  Borromée  vouloit  venir  pour  l'honnorer,  le 
fit  portera  Turin,  ou  ils  est  gardé  avec  beaucoup  de  vénération. 

Copie  modernisée  du  xviiic  siècle,  passée  du  cabinet  du 
chanoine  Ducis  dans  celui  de  M.  l'abbé  Bouchage, 
aumônier  à  Chambery. 


i8  novembre  1670. 
In  causa  Taurinen.institit  apud  sanctam  Sedem  apostolicam  serenis- 
sima  Maria  Joanna  Margarita  Sabaudiae,  utplenariam  indulgentiam,  ii, 
qui  rite  confessi  et  sacra  communione  refecti  visitarent  ecclesiam 
Taurinensem,  cum  Sacra  Syndon  exponeretur,  obtinerent.  Non  latuit 
Sacram  Congregationem,  quam  honorificentissime  de  Syndone  Tauri- 
nensi  locutus  fuerit  Baronius  in  AnnaUhus  ad  annum  xxxiv.  n,  i38, 
his  verbis  :  «  Permansit  intégra,  divina  opérante  virtute,  illœsaque 
hactenus  Sanctissima  Syndon  illa,  quee  corporis  Domini  nostri  Jesu 
Christi  delibuta  unguento  in  sepulchroposita  fuit,  veluti  operimentum 
et  stratum,qufe  in  se  imaginem  in  sepulchro  Domini  jacentis,  expressit, 
asserva turque  summo  honore  in  ecclesia  Taurinensi  ».  De  qua  refert 
etiam  Spondanus  ad  annum  mcgccuh,  num.  aS  :  «  Pertinet  quoque  ad 
historiam  cladis  Constantinopolitanae,  delatio  Camberium  Sabaudiœ, 
Sacrae  Syndonis,  qua  Christus  in  sepulchro  involutus  parte  antica  et 
postica  totius  corporis  sui  imaginem,  sanguine  et  unguentis  ad  vivum 
expressit  »  ;  et  post  pauca  :  «   Cui  dignœ  recolendœ  mémorise  Dux 


Dr    Sl'AlHF.    I)K    TUIJIN  ;).) 

sacellnm  marmoreum  in  arce  sua  construxit,  unde  poslea  ad  majorem 
securitatem  translata  est  Taurinum,  utrobique  ing'entibus  coruscans 
miraculis  et  peregrinatione  fidelium,  mafi^norunique  eliam  principum 
frequentia  ;  cui  diem  sacrum  Julius  papa  II.  statuit  quartum  maii,  et 
in  ejus  sacello  offîcium  ejus  ritu  peculiari  concessit  m.  De  ea  etiam 
PiNGONius  Commentarium  scripsit,  cujus  breviarium  Glaltehius  Chro- 
nologie sua^  inseruit  Séeculo  decimoquinto.  De  supradicla  item  Syn- 
done  videri  possunt,  quœ  extant  apud  Fkrrandlm  de  Beliquiis  lib.  I, 
cap.  I,  art.  2,  sect.  i  ;  Paleottam,  Mallomum  et  Raynaldum  in  Annali- 
bus  ad  an.  MccccLni,  n.  17,  et  mdxxxiii,  n.  62,  qui  alFertliteras  démen- 
tis VII.  ad  Ludovicum  tituli  Sancti  Gaesarei  presbyterum  cardinalem, 
et  apostolicas  Sedis  legatum,  ubi  inquit  :  «  Accepimus,  quod  alias 
capella  sanctanuncupata  castri  Camberiaci,Gratianopolitanae  diœcesis, 
in  quo  pannum,  Syndon  nuncupatum  Salvatoris  nostri  Jesu  Christi,  ut 
pie  credilur,  erat  reconditum,  incendie  accensa,  pannum  prœdiclum 
quadam  céleri  accursione,  ex  incendio  hujusmodi,  divina  coopérante 
gratia,  extitit  sublalum  »,  etc.  Ilis  tamen  non  obslantibus.  Sacra 
(^ongregatio  Indulgentiarum  censuit  :  Indulgentiam  petitam  posse 
concedi,  adhibita  cautione  Clemenlis  VII.  ut  pie  credilur,  vel  alia 
consimili,  certis  diebus  ab  ipsamet  Sacra  Congregatione  designandis 
percipiendam  :  non  tamen  venerantibus  illam,  quasi  germana  esset 
Jesu  Christi  Syndon,  sed  recogilantibus  cruciatus  Jesu  Christi,  prae- 
sertim  vero  ipsius  mortem  et  sepulturam. 


TiiEODOuus    A    Spibitu    Sancto,   Traclalns  dogmalico-muralis  de    Imliilgenliis 
(Roma;,  lyÇt),  l.  II,  p.  M- 


Lyon.  —  Imp.  A.  UliV  et  Ci'.  4,  nicGonlil.  —  "-igf^ 


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University  of  British  Columbia  Library 

DUE  DATE 

JUL  2  5  1994 

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FORM    310 

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